Une équipe de la KU Leuven, parmi laquelle le Pr Jan Tytgat, responsable du Laboratoire de toxicologie et de pharmacologie, le Pr Eva Cuypers et la doctorante Elien Rosier, a réussi à percer le secret de l'odeur de la mort. Les toxicologues louvanistes ont en effet identifié plusieurs composés organiques volatils (COV) propres à la chair humaine en décomposition.

Depuis quand et de quelle manière avez-vous entamé cette étude plutôt surprenante ?
Jan Tytgat : Nous avons répondu à une requête de la police fédérale avec laquelle notre laboratoire de toxicologie est en contact journalier. Elle dispose de chiens pisteurs qui sont entraînés à renifler des molécules spécifiques dans le but de retrouver des corps humains qui ont disparu.

Toutefois, quand ils découvrent quelque chose, bien souvent, il s'agit d'un faux positif dans la mesure où ce qu'ils ont détecté c'est le cadavre d'un animal domestique qui, comme celui d'un être humain, émet dans l'environnement un large spectre de COV.
Depuis plus d'une décennie, les recherches visant à identifier ces COV se sont multipliées mais, jusqu'ici, il n'y avait pas encore eu d'étude en profondeur permettant de savoir s'il existe une combinaison de COV spécifique aux humains.
Décrire avec précision le cocktail chimique qui donne au corps humain en décomposition son odeur si particulière, voilà le défi que nous avons voulu relever il y a cinq ans d'ici à la suite de la demande de la police fédérale.


Comment avez-vous procédé pour trouver ce fameux cocktail ?

Nous avons introduit dans des bocaux six échantillons de tissus humains et 26 de tissus provenant de nombreuses espèces d'animaux, entre autres le porc, la souris, la taupe, le lapin, la tortue, la grenouille, divers poissons et oiseaux..., et nous les avons laissés se décomposer durant six mois dans cet environnement fermé. Au cours de cette période, les récipients ont été ouverts périodiquement afin de récupérer les gaz libérés par les restes et d'isoler leurs différents composés.
Nous avons ensuite procédé à une analyse qualitative et quantitative des COV libérés en ayant recours à une méthode couplant la désorption thermique, la chromatographie gazeuse et la spectrométrie de masse.

Et quels ont été les résultats de cette analyse complexe ?

Au total, pas moins de 452 substances chimiques spécifiques ont été isolées, mais toutes n'étaient pas présentes chez chaque espèce, ni chaque spécimen en décomposition. En comparant les résultats obtenus, nous avons pu mettre en lumière une combinaison de huit composés permettant de différencier l'odeur des cadavres humains et porcins par rapport à l'intégralité des autres espèces. Une proximité qui n'est guère étonnante quand on sait que l'homme et le cochon partagent de nombreuses similarités biologiques, notamment la quantité de graisse corporelle, le nombre de poils, ainsi que la flore intestinale.
Finalement, grâce à des analyses encore plus poussées, nous avons réussi à isoler un mélange de cinq composés organiques qui caractérisent l'odeur de la mort humaine et qu'on ne retrouve pas chez le porc. Les composés en question sont des esters, des molécules qui sont souvent à l'origine de l'arôme des fruits mais qui sont aussi présentes dans la graisse animale.

Quelle est l'utilité de votre étude ?

Bien sûr, elle n'avait pas pour objet que le simple plaisir de la découverte. Le mélange que nous avons identifié devrait permettre d'entraîner les chiens pisteurs à détecter les corps de façon plus efficace et surtout à distinguer les dépouilles humaines des restes animaux. Cela sera notamment utile pour retrouver les victimes des catastrophes naturelles, comme un grand incendie, un tremblement de terre ou un tsunami, ou, dans le cas d'enquêtes criminelles, pour exhumer des corps qui auraient été dissimulés et pouvoir ainsi leur offrir une sépulture décente.
Nous avons déjà pu observer une réaction positive des chiens pisteurs de la police fédérale quand on leur fait respirer le cocktail de COV que nous avons découvert.
C'est très prometteur mais nous n'allons pas en rester-là car une des limites de l'étude est qu'elle se fonde sur des échantillons de tissus humains isolés dans des récipients, pas des corps complets en décomposition.

Quelle sera donc la suite ?

Confirmer les conclusions de notre étude in situ, c'est-à-dire voir si l'on retrouve les mêmes huit composés et cinq esters dans des corps entiers décomposés et ensevelis, et non uniquement sur des échantillons de tissus.
Il est même possible que, dans le futur, nos travaux puissent déboucher sur la fabrication d'un dispositif électronique portable, une sorte de nez artificiel, pouvant accomplir la même tâche que les chiens pisteurs et ainsi les remplacer.

Une équipe de la KU Leuven, parmi laquelle le Pr Jan Tytgat, responsable du Laboratoire de toxicologie et de pharmacologie, le Pr Eva Cuypers et la doctorante Elien Rosier, a réussi à percer le secret de l'odeur de la mort. Les toxicologues louvanistes ont en effet identifié plusieurs composés organiques volatils (COV) propres à la chair humaine en décomposition. Depuis quand et de quelle manière avez-vous entamé cette étude plutôt surprenante ? Jan Tytgat : Nous avons répondu à une requête de la police fédérale avec laquelle notre laboratoire de toxicologie est en contact journalier. Elle dispose de chiens pisteurs qui sont entraînés à renifler des molécules spécifiques dans le but de retrouver des corps humains qui ont disparu. Toutefois, quand ils découvrent quelque chose, bien souvent, il s'agit d'un faux positif dans la mesure où ce qu'ils ont détecté c'est le cadavre d'un animal domestique qui, comme celui d'un être humain, émet dans l'environnement un large spectre de COV. Depuis plus d'une décennie, les recherches visant à identifier ces COV se sont multipliées mais, jusqu'ici, il n'y avait pas encore eu d'étude en profondeur permettant de savoir s'il existe une combinaison de COV spécifique aux humains. Décrire avec précision le cocktail chimique qui donne au corps humain en décomposition son odeur si particulière, voilà le défi que nous avons voulu relever il y a cinq ans d'ici à la suite de la demande de la police fédérale. Comment avez-vous procédé pour trouver ce fameux cocktail ? Nous avons introduit dans des bocaux six échantillons de tissus humains et 26 de tissus provenant de nombreuses espèces d'animaux, entre autres le porc, la souris, la taupe, le lapin, la tortue, la grenouille, divers poissons et oiseaux..., et nous les avons laissés se décomposer durant six mois dans cet environnement fermé. Au cours de cette période, les récipients ont été ouverts périodiquement afin de récupérer les gaz libérés par les restes et d'isoler leurs différents composés. Nous avons ensuite procédé à une analyse qualitative et quantitative des COV libérés en ayant recours à une méthode couplant la désorption thermique, la chromatographie gazeuse et la spectrométrie de masse. Et quels ont été les résultats de cette analyse complexe ? Au total, pas moins de 452 substances chimiques spécifiques ont été isolées, mais toutes n'étaient pas présentes chez chaque espèce, ni chaque spécimen en décomposition. En comparant les résultats obtenus, nous avons pu mettre en lumière une combinaison de huit composés permettant de différencier l'odeur des cadavres humains et porcins par rapport à l'intégralité des autres espèces. Une proximité qui n'est guère étonnante quand on sait que l'homme et le cochon partagent de nombreuses similarités biologiques, notamment la quantité de graisse corporelle, le nombre de poils, ainsi que la flore intestinale. Finalement, grâce à des analyses encore plus poussées, nous avons réussi à isoler un mélange de cinq composés organiques qui caractérisent l'odeur de la mort humaine et qu'on ne retrouve pas chez le porc. Les composés en question sont des esters, des molécules qui sont souvent à l'origine de l'arôme des fruits mais qui sont aussi présentes dans la graisse animale. Quelle est l'utilité de votre étude ? Bien sûr, elle n'avait pas pour objet que le simple plaisir de la découverte. Le mélange que nous avons identifié devrait permettre d'entraîner les chiens pisteurs à détecter les corps de façon plus efficace et surtout à distinguer les dépouilles humaines des restes animaux. Cela sera notamment utile pour retrouver les victimes des catastrophes naturelles, comme un grand incendie, un tremblement de terre ou un tsunami, ou, dans le cas d'enquêtes criminelles, pour exhumer des corps qui auraient été dissimulés et pouvoir ainsi leur offrir une sépulture décente. Nous avons déjà pu observer une réaction positive des chiens pisteurs de la police fédérale quand on leur fait respirer le cocktail de COV que nous avons découvert. C'est très prometteur mais nous n'allons pas en rester-là car une des limites de l'étude est qu'elle se fonde sur des échantillons de tissus humains isolés dans des récipients, pas des corps complets en décomposition. Quelle sera donc la suite ? Confirmer les conclusions de notre étude in situ, c'est-à-dire voir si l'on retrouve les mêmes huit composés et cinq esters dans des corps entiers décomposés et ensevelis, et non uniquement sur des échantillons de tissus. Il est même possible que, dans le futur, nos travaux puissent déboucher sur la fabrication d'un dispositif électronique portable, une sorte de nez artificiel, pouvant accomplir la même tâche que les chiens pisteurs et ainsi les remplacer.