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" La situation financière des hôpitaux est également mise à mal par la pandémie. Les précédentes analyses Maha ont déjà montré que, sur le plan financier, les hôpitaux n'étaient pas en mesure d'absorber un tel choc ", commentent les experts de Belfius, Véronique Goossens, Chief Economist, et Arnaud Dessoy, responsable des Études Public Finance et Social Profit. " Lors de la première vague de Covid-19, de nombreux hôpitaux ont été pris à la gorge car ils ne rentraient plus suffisamment de liquidités pour faire face à leurs obligations. "Les auteurs de l'étude rappellent que " le gouvernement fédéral a réagi rapidement en octroyant près de deux milliards d'avances dans les soins de santé et un financement structurel supplémentaire de 1,2 milliard en 2020, 2021 et 2022 en vue de renforcer le personnel soignant."L'étude révèle que les admissions classiques et les hospitalisations de jour en chirurgie ont diminué de 18,2 % en 2020 dans les hôpitaux généraux. " Il ne s'agit là que de moyennes. Il est clair que les hôpitaux n'ont pas tous dû réduire leurs admissions régulières dans les mêmes proportions. Dans certains hôpitaux, la baisse a été d'environ un tiers sur l'ensemble de l'année, tandis que d'autres ont signalé "seulement" un recul de 10% des admissions. En moyenne, les hôpitaux wallons ont enregistré 5,2 points de pourcentage d'admissions en moins que les hôpitaux flamands. Cela pourrait s'expliquer notamment par le fait qu'en Flandre, l'infrastructure hospitalière est plus moderne. Elle compte davantage de chambres individuelles, ce qui signifie qu'il y avait plus de capacité dans un contexte où les patients ne pouvaient plus partager de chambre. D'autres explications à ces différences résident également dans le fait que certaines régions ont été plus durement touchées par le Covid-19 ainsi que dans la façon dont les hôpitaux se sont organisés. Ainsi, un certain nombre d'hôpitaux ont recouru à la télémédecine ", commentent les auteurs.L'enquête menée par Belfius auprès des hôpitaux généraux sur leur activité au premier semestre 2021 montre que leurs hospitalisations classiques restent sous pression. " Par rapport à 2019, ils font encore état d'une baisse de 9,9% des admissions classiques et d'un cinquième des journées d'hospitalisation." (voir graphique).Cette chute de l'activité explique que les hôpitaux généraux ont eu une baisse de leur chiffre d'affaires de 3,5% en 2020 (sans tenir compte des avances fédérales). Le chiffre d'affaires global est passé de 15,3 milliards en 2019 à 14,8 milliards en 2020. " Ici aussi, la différence entre les hôpitaux est importante. Certains enregistrent une baisse de leur chiffre d'affaires de près de 10% tandis qu'un petit nombre réalise par contre un chiffre d'affaires supérieur à celui de 2019. Cela pourrait également s'expliquer par la différence dans l'intensité des hospitalisations dues au Covid-19 et dans le mode d'organisation ", expliquent les analystes.Les avances octroyées par le gouvernement fédéral ont tout juste permis de maintenir les hôpitaux à flot sur le plan financier. L'étude Maha révèle que les 837,4 millions de liquidités Covid versés par le gouvernement fédéral et les aides régionales additionnelles ont permis de garder le résultat d'exploitation ordinaire 2020 dans le vert, à 111 millions (voir graphique). " Il s'agit de 29 millions de plus qu'en 2019, mais par rapport à un chiffre d'affaires de plus de 15 milliards, cela reste un résultat fragile. Autrement dit: le résultat d'exploitation ordinaire n'atteint que 0,72% du chiffre d'affaires. Une légère amélioration par rapport au 0,54% de l'année précédente. "Les résultats varient fortement d'une Région à l'autre. " Les hôpitaux wallons atteignent un résultat d'exploitation ordinaire de 4,5 millions d'euros. À Bruxelles, la perte se creuse encore davantage, avec un résultat d'exploitation ordinaire de -20 millions d'euros. Quant aux hôpitaux flamands, ils affichent un résultat en amélioration, à 127,7 millions. Le flux de trésorerie d'exploitation atteint 1,069 milliard d'euros, avec une marge disponible de 449 millions. Sans les avances, cette marge disponible serait totalement inexistante et les hôpitaux ne pourraient plus répondre à leurs obligations financières. "Les autorités fédérales ont décidé d'injecter plus de 1,2 milliard d'euros au total sur les années 2020, 2021 et 2022 pour renforcer le personnel soignant dans le secteur des soins de santé. " Ce budget supplémentaire pour le personnel soignant ne se traduit pas encore par une augmentation substantielle du nombre d'infirmiers au chevet des patients ", précisent les auteurs de l'étude. " En dépit des moyens supplémentaires issus du Fonds Blouses blanches, seuls 558 équivalents temps plein supplémentaires sont venus renforcer le personnel soignant (45.091 ETP). Les hôpitaux peinent à trouver de la main-d'oeuvre. De plus, ils sont confrontés à un exode de leur personnel soignant, parce que certains ne savent plus à quel saint se vouer, mais aussi en raison d'un absentéisme élevé dû à l'épuisement et à la maladie. La crise du Covid-19 peut donc être qualifiée de crise du personnel tout autant que de crise des lits. " En outre, il y a d'importantes différences régionales. 477 ETP ont été engagés en Flandre, contre seulement 73 ETP en Wallonie et 33 à Bruxelles.L'étude Maha révèle que la dette financière des hôpitaux généraux recule de 5,1%, à 5,069 milliards, en raison de la baisse des investissements. "Depuis trois ans déjà, les investissements bruts régressent, s'établissant à 655 millions. Cela représente un recul de 16% par rapport à 2019. Seuls les hôpitaux wallons affichent un rythme d'investissement plus élevé. En effet, ils ont lancé le plan de construction wallon avec le soutien des autorités wallonnes depuis 2019. Les hôpitaux flamands avaient déjà connu une période d'investissement précédemment. Quoi qu'il en soit, tout ce qu'on peut dire, c'est que les investissements sont insuffisants pour préparer le secteur hospitalier belge aux soins du futur ", préviennent Véronique Goossens et Arnaud Dessoy. En conclusion, pour les auteurs de l'étude Maha, " les interventions financières, tant structurelles qu'à la suite de la crise du Covid-19, ont permis au secteur hospitalier de garder la tête au-dessus hors de l'eau en 2020. Mais une profonde refonte approfondie de leur financement s'impose, comme prévu dans l'accord gouvernemental et annoncé antérieurement par le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke."