...

Une étude menée entre 2011 et 2013 par la KULeuven sur 5.833 participants - dont 1.198 médecins - démontre la prévalence non négligeable des symptômes du burnout en milieu hospitalier. " Il ressort de l'étude empirique que 6,6 % souffrent de burnout et que 13,5% appartiennent au groupe à risque ", détaillent les auteurs." La charge de travail, le conflit de rôle et la charge émotionnelle ont un grand impact sur les trois grands symptômes du burnout que sont l'épuisement émotionnel et mental, la dépersonnalisation et la diminution de l'accomplissement personnel ", explique Dan Lecocq, enseignant-chercheur à l'École de santé publique de l'ULB.Pour pallier la situation, l'infirmier de formation s'est penché sur un concept développé par des collègues américains : le Magnet Hospital. Un hôpital qui se démarque par son attraction et sa rétention du personnel soignant, un faible roulement et une forte satisfaction au travail.Le concept n'est pas nouveau, puisqu'il émerge dès le début des années 80 aux États-Unis. Essentiellement pour faire face à la pénurie des infirmières qui, combinée à un roulement élevé, à un taux d'absentéisme et d'incapacité dépassant ceux de presque toutes les autres professions, mène à des dysfonctionnements dans plusieurs centres hospitaliers.Les chercheurs se tournent alors vers les hôpitaux qui gardent leur personnel infirmier et se questionnent : comment y arrivent-ils ? L'Association des infirmiers américains (ANA) passe au crible 155 hôpitaux pour cibler ceux qui avaient les meilleurs résultats en termes d'attractivité et de fidélisation du personnel soignant.Quatorze forces partagées ont été identifiées parmi les 41 hôpitaux les plus attractifs, de la qualité du leadership infirmier à la valorisation des relations interdisciplinaires.L'ANA a créé un label à partir de ces 14 forces. Un premier hôpital est accrédité en 1993. En 2017, près de 500 hôpitaux sont accrédités, dont la majorité aux États-Unis, mais aussi dans d'autres pays du monde, dont la Belgique. Depuis in 2017, L'UZA est ainsi devenu le premier hôpital européen à bénéficier du label " hôpital magnétique ". C'est à ce jour le seul hôpital belge à bénéficier de ce label, même si d'autres hôpitaux se sont inspirés du principe. C'est le cas par exemple du CHU Brugmann, où le département infirmier et paramédical a mis en place une stratégie d'attractivité et de rétention du personnel inspirée des hôpitaux magnétiques.Attention toutefois à ne pas confondre le label " magnétique " avec l'accréditation " traditionnelle ". " L'accréditation 'hôpital magnétique' se focalise sur l'attractivité, la rétention du personnel et sur le bien-être au travail. Il y a des ponts avec les accréditations 'traditionnelles', mais ce sont des processus différents ", précise Dan Lecocq.La littérature scientifique est constante quant aux raisons du succès des hôpitaux magnétiques. Premièrement, contrairement à une idée reçue, les incitants économiques ne sont pas forcément les plus importants. La valorisation et la rétroaction sont des facteurs de satisfaction au travail tout aussi puissants sinon plus puissants que le revenu." Les hôpitaux magnétiques paient bien, mais il n'y a rien d'exceptionnel ou de hors-normes dans leur niveau de rémunération ", détaille un article de 2006 paru dans la revue scientifique Pratiques et organisation des Soins. " Ce qui est exceptionnel, c'est le milieu de travail et la satisfaction à y évoluer. "L'écoute est un bon exemple. Ce trait distinctif des hôpitaux magnétiques joue un rôle prépondérant la satisfaction tant du personnel que des gestionnaires. L'accès facile et informel à la direction permet de se sentir écouté, et augmente la confiance réciproque entre gestionnaire et personnel.Au-delà de l'aspect bien-être, une étude qualitative menée à la in des années 80 démontrait déjà la qualité des hôpitaux magnétiques sur le plan entrepreneurial. " Les traits mis en lumière sont toujours d'actualité ", souligne Yvon Brunelle dans Pratiques et organisation des Soins. " Ils ont l'avantage de déborder le seul personnel infirmier. Ce sont tous les employés qui sont concernés. "Selon l'étude, et pour ne citer que quelques critères, les hôpitaux magnétiques témoignent un souci concret du patient, favorisent l'autonomie et le dynamisme, recherchent la productivité, mais avec l'appui des employés, et comptent peu de paliers hiérarchiques." Les hôpitaux magnétiques ont des résultats tout à fait comparables aux autres hôpitaux en termes de bénéfices ", confirme Dan Lecocq. " Il y a eu, en Belgique, une étude menée par Sabine Stordeur, docteur en santé publique de l'UCL. Elle a mené, au début des années 2000, le projet Ariq (attraction, rétention, implication des infirmiers dans la qualité des soins dans les hôpitaux) et a travaillé sur certains aspects des hôpitaux magnétiques. "L'étude de Sabine Stordeur démontre que les " bons " centres hospitaliers belges affichent certaines caractéristiques propres aux hôpitaux magnétiques : ils sont peu hiérarchisés, il y a une bonne collaboration entre les professionnels de la santé, il y a la présence de supports, etc (voir encadré). " La littérature scientifique prouve que les hôpitaux magnétiques contribuent à la satisfaction au travail, et diminuent le roulement du personnel. Or le roulement du personnel, c'est un des principaux risques de chute de qualité des soins et de sécurité des patients. "En plein dans l'actualité des blouses blanches, l'approche des hôpitaux magnétiques a d'autant plus de sens. " Nous sommes dans une réflexion de fond pour transformer le Triple Aim en matière de qualité de soins (améliorer l'expérience du patient, les résultats, et réduire les coûts, ndlr), vers un Quadruple Aim où l'on rajoute l'objectif d'améliorer la qualité de vie au travail des professionnels de la santé, en ce inclus les médecins et les équipes administratives ", conclut le chercheur de l'École de santé publique de l'ULB.