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Thème actuel s'il en est, la durabilité est un concept de plus en plus important qui vise à concilier des retombées sociales, économiques et environnementales positives. L'impact des changements climatiques sur la santé n'est plus à démontrer. Les hôpitaux sont malheureusement contributeurs du changement climatique, notamment par le biais d'émissions de gaz à effet de serre (GES). "La mesure de ces émissions est incontournable dans les établissements de soins de santé. Ces derniers ont un impact direct via l'énergie utilisée sur le site, les rejets des gaz anesthésiques ou encore les réfrigérants. D'autres impacts indirects sont également à prendre en considération: les déplacements, le traitement des matières résiduelles et l'achat de produits et de services", détaille Jérôme Ribesse. "Mesurer les émissions de GES permet de prioriser les actions à mettre en place pour diminuer l'impact environnemental de l'hôpital."Au Québec, à l'instar de la Belgique, les déchets sont divisés en deux catégories: les matières à éliminer (déchets biomédicaux et pharmaceutiques notamment) et les matières recyclables. "Il faut changer la manière de penser et parler de matière plutôt que de déchet. Les cartons, par exemple, peuvent prendre beaucoup de place. Ils peuvent être récupérés via l'installation de presses qui permettent d'en faire des ballots qui sont revendus, ici au Québec, 100 dollars canadiens la tonne (environ 75 euros, NDLR)", explique le conseiller en santé environnementale. L'hôpital Pierre-Boucher, aux abords de Montréal, a fait le pari et va même plus loin, en incluant au sein de l'hôpital un plateau d'insertion socioprofessionnel. Dans cet espace de travail, les patients atteints de schizophrénie gèrent le déchiquetage du papier confidentiel, qui, une fois passé par la presse, se revend à 200 dollars canadiens la tonne (environ 150 euros). "Ces personnes ne viennent donc pas à l'hôpital en tant que patients mais en tant que stagiaires pour travailler au sein de l'hôpital. Ici, la gestion des matières résiduelles a donc réellement un impact positif sur la mission de l'hôpital. Cela permet de réduire la quantité de médicaments pris pour les patients, et cela diminue le nombre de jours d'hospitalisation.""On passe donc d'un modèle où l'on payait une société externe pour déchiqueter le papier et l'envoyer on ne sait où, sans connaître le devenir du papier, à un modèle où l'on fait travailler des personnes sur place, ce qui a un impact positif sur leur santé mentale, où l'on revend le papier valorisé en ballots d'une tonne qui sont vendus à une compagnie québécoise locale", se félicite Jérôme Ribesse. Beau projet, mais où trouve-t-on la place, retoqueront certains? "C'est effectivement difficile de trouver la place au sein de l'hôpital. Il faut donc aménager un espace un extérieur."Le plateau de travail en insertion professionnelle a également permis de récupérer des plastiques issus des activités de soins. "Nous avons demandé à un conditionneur de plastique ce qui l'intéressait (plastiques souples, rigides, etc.). On ne peut pas demander aux infirmières et aux médecins de trier, c'est donc un travail réalisé d'abord par les équipes de nettoyage puis par le plateau de travail. Une presse permet de faire des ballots de plastiques souples et rigides." Malheureusement, ces matières résiduelles ne sont pas encore valorisées financièrement au Québec. Autre problématique en matière de déchets: les aliments. "Qui dit nourrir des patients dit restes alimentaires. Il y a deux notions à avoir en tête: éviter le gaspillage alimentaire et s'occuper des aliments qui ne peuvent être donnés."Réduire le gaspillage alimentaire passe par les dons alimentaires, déjà bien répandus chez nous. Concernant les aliments qui ne peuvent être donnés par contre, de plus en plus d'hôpitaux québécois s'équipent de digesteurs aérobies. "Il s'agit de machines en acier inoxydable, qui peuvent être placées dans un couloir ou même dans la cuisine. Via un système enzymatique, elles permettent d'enlever toute l'eau de la matière et transforment cette matière en un digestat, une sorte de poudre actuellement en analyse pour être employée sur les terres agricoles."En attendant cette potentielle valorisation, le digesteur aérobie reste utile puisqu'il permet de réduire le volume et le poids des déchets de 70%. Il n'utilise aucune eau pour réaliser ce travail. L'eau qui est issue des aliments n'est bien sûr pas potable, mais elle est de qualité suffisante pour être renvoyée dans l'air sous forme de vapeur. Il n'y a pas de problème d'odeur, assure Jérôme Ribesse. "On a une odeur à peu près de gâteau, ce qui est relativement agréable!"Dernier point abordé par le directeur adjoint de SSE: les îlots de chaleur urbains. Il s'agit d'élévations localisées des températures enregistrées en milieu urbain par rapport aux zones rurales ou forestières voisines. Pour lutter contre ces microclimats en ville provoqués par l'urbanisation et le manque de végétation, certains hôpitaux ont décidé d'agir. "On amène beaucoup d'hôpitaux à verdir leur terrain. Cela permet à la fois de lutter contre les îlots de chaleur urbains et de favoriser la biodiversité", explique Jérôme Ribesse ."Par exemple, l'Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel, à Montréal,a fait un grand travail pour augmenter la canopée et le couvert arboré de son terrain. En parallèle, l'institut a installé deux ruches, ce qui permet de récolter du miel qui est vendu au personnel de l'établissement. Cela contribue à la biodiversité. Enfin, l'institut a également verdi l'intérieur des murs de cet hôpital particulier, avec l'existence de parloirs où des oeuvres réalisés par les pensionnaires de l'institut viennent égayer les lieux."