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Le photographe propose alors de s'immerger dans le monde de l'hôpital pendant trois semaines pour mieux comprendre, montrer les gestes et la bienveillance qui sont applaudis tous les soirs. "Je ne voulais pas forcément faire un reportage Covid, même si c'était durant la pandémie, mais plutôt un reportage sur le personnel", raconte le photographe . "Et il n'était pas question de livre au début." C'est par la suite seulement, que les directeurs de l'asbl Epicentro qu'il connaît bien lui ont proposé d'en faire quelque chose de spécial . "L'asbl Epicentro utilise le livre comme outil, ce ne sont pas de simples éditeurs", précise-t-il .Offrir 5.000 livres à l'hôpital Érasme: un livre pour chaque membre du personnel, en hommage à leur travail. Voilà le projet ambitieux de l'asbl. Un challenge assez élevé qui a demandé un crowdfunding et des partenariats. À l'achat d'un livre, deux livres sont offerts au personnel. Ils ont imprimé 7.000 livres, en ont remis 5.000 au personnel, vendus 1.500, et il en reste 500. "Au début, durant la première vague, la période était un peu spéciale", se rappelle le photographe . "Tout le monde était très généreux en compliments.L'heure était au soutien et les gens ne souffraient pas encore du confinement. Mais durant la deuxième vague, les gens ont commencé à en souffrir." Cependant, pour le personnel d'Érasme rien n'avait changé . "J'ai photographié leur quotidien, dans une période particulière, certes, mais qui restait leur quotidien. C'est l' au-delà du Covid que j'ai cherché à photographier.""J'ai découvert cet univers que je ne connaissais pas. J'avais vraiment envie d'aller partout. Un peu comme un voyage dans un pays étrange." Si le photographe n'a pas pu photographier tous les services, il a donné une idée générale de l'importance de chacun. "Durant ce voyage, je me suis surtout concentré sur le personnel, et non sur les malades, sur leurs gestes et leur travail. Et j'ai tenté de partager les émotions qui étaient les miennes.""On s'attarde rarement sur ceux qui s'occupent de nous à l'hôpital", raconte-t-il . "On ne fait pas attention à tous ces gens qui circulent car on y va pour soi ou pour rendre visite." Charles Chojnacki va suivre alors le visible et l'invisible de l'hôpital, toutes ces choses qu'on ne voit pas et dont on ne parle pas : "des étages en bas qui n'atteignent pas la lumière du jour où fourmillent des ombres masquées, une pharmacie, des stocks, un atelier de couture, la stérilisation, le personnel d'entretien aussi, qui est extrêmement important, et encore plus pendant la pandémie..."Dans son ouvrage, pas de pathos, d'infirmières éreintées ou de gens tristes, car ce n'est pas cela qu'il a retenu. " Ce que j'ai vu surtout ce sont des gens dynamiques et empathiques. Et ce qui m'a le plus frappé, c'est que ce n'était pas déprimant du tout, bien au contraire."Durant son voyage, il n'emporte avec lui que du matériel léger afin de rester discret: " J'ai pris le matériel le plus léger possible ; un Leica qui ne fait pas beaucoup de bruit, et qui est tout petit. Je n'ai pas de téléobjectif non plus. Et quand on voit les photos en gros plan, de tout près, c'est parce que j'étais vraiment tout près, avec mon 35mm." Il utilise également un autre appareil pour changer de focale , mais ne porte qu'un appareil à la fois et sans flash pour ne pas s'encombrer. Ça n'a pas toujours été facile pour lui d'ailleurs d'être tout près des malades ou au milieu des infirmiers, infirmières et du personnel sans avoir peur de les gêner. "En réalité, j'ai eu du mal à me dire que j'avais une légitimité d'être là. Parce que j'ai photographié des choses assez intimes. J'avais aussi peur de tout bousculer! Mais ils ont tous été très coopératifs. Le secret secret, c'est d'être assez présent pour qu'on me voie et assez discret pour qu'on m'oublie."Les conditions de luminosité dans un hôpital ne sont pas des plus optimales pour réaliser de beaux clichés. Le photographe le sait et a décidé de jouer avec les contrastes. "Les lumières de l'hôpital ne sont pas propices pour faire des photos. Ce sont des lumières néons et ce sont les pires. Quand on rentre dans une chambre et que l'on voit cette lumière avec le contre-jour, ce n'est pas simple. Nous avons donc choisi de faire les tirages en noir et blanc et de jouer sur les contrastes pour rendre le projet plus artistique."De ce voyage particulier, est né In Vivo, tous les visages d'Érasme, aux éditions Epicentro. Un témoignage prenant, beau et touchant. " Ce n'est pas un livre sur l'épidémie, mais un livre sur la volonté qui persiste de soigner et de sauver, même au-delà des conditions normales de son travail", conclut Charles Chojnacki.