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Le KCE dresse un bilan de l'impact de deux ans de pandémie de Covid-19 sur les infirmières travaillant dans les soins intensifs belges. " La pandémie a été une période très intense, stressante et pénible pour tout le personnel soignant, mais notre étude montre que les infirmiers des unités de soins intensifs (USI) ont payé un tribut particulièrement lourd. Chacun a encore en mémoire les images impressionnantes de ces services débordés de patients luttant contre la mort, entourés d'une ruche bourdonnante de professionnels affairés, concentrés, attentifs. L'augmentation affolante du nombre de patients a créé un besoin en personnel sans précédent dans ces unités, et du personnel non spécialisé a souvent dû venir en renfort ", rappelle le KCE. " Le taux de mortalité élevé des patients, le fait de devoir porter en permanence du matériel de protection encombrant, la peur de l'infection pour soi-même et sa famille, la nécessité d'imposer des mesures sanitaires drastiques aux visiteurs, les innombrables heures supplémentaires..., tout cela a créé un contexte de travail particulièrement stressant et physiquement exigeant pour le personnel des USI. Vient s'y ajouter le fait qu'après avoir été regardés comme des héros, le personnel des soins intensifs s'est senti critiqué par une partie du public lorsque les applaudissements se sont tus, et que cela a été vécu comme un désaveu très blessant de leur engagement pour la santé de la population. "Le Centre fédéral d'expertise des soins de santé a enquêté auprès des infirmiers d'USI travaillant en Belgique. 50% d'entre eux ont répondu à ce questionnaire qui cherchait à évaluer le nombre de patients par infirmier, les niveaux de formation au sein des équipes, la perception de la qualité des soins dispensés, la qualité de l'environnement de travail, la satisfaction et le bien-être au travail. Le KCE a également réalisé des interviews et focus groups pour entendre et recueillir directement le vécu sur le terrain.Cette enquête révèle que les hôpitaux qui offrent le meilleur environnement de travail (mesuré par une échelle internationale comptant 32 paramètres) obtiennent systématiquement de meilleurs résultats, à tel point que certains hôpitaux offrant un très bon environnement de travail ont réussi à limiter l'impact de la pandémie sur le bien-être de leur personnel des soins intensifs. La participation à la politique hospitalière, la qualité des relations médecin infirmier, le leadership infirmier... sont des éléments qui améliorent cette qualité de travail." Le risque de burn-out (épuisement émotionnel) est 2,4 fois plus élevé dans les hôpitaux où l'environnement de travail est le plus mauvais (54 %) par rapport à ceux où il est le meilleur (23 %). C'est également vrai pour d'autres paramètres comme l'intention de quitter son emploi actuel, qui est 2,1 fois plus élevée dans les hôpitaux où l'environnement de travail est le plus mauvais par rapport à ceux où il est le meilleur (56 % contre 27 %) ", rapporte le KCE, qui estime que ces différences significatives méritent qu'on s'y attarde.L'environnement de travail influence également la perception de la qualité des soins dispensés. " Dans les hôpitaux offrant le meilleur environnement de travail, 80 % des infirmiers déclarent que la qualité des soins dans leur service est bonne ou excellente, alors que cette proportion n'est que de 49% dans les hôpitaux offrant le pire environnement de travail ", précise le KCE.Les infirmiers des USI sont demandeurs d'un ratio patients/infirmier (actuellement de 3 :1) adapté à la charge réelle de travail, mesurée objectivement et de façon spécifique pour les soins intensifs, avec éventuellement la fixation de plusieurs " niveaux " de soins intensifs.Selon le KCE, ces infirmiers sont mécontents de la manière dont leur expertise spécifique - ils sont quasi tous diplômés au moins au niveau bachelier et près de 80% détiennent un titre professionnel particulier d'infirmier spécialisé en soins intensifs et soins d'urgence - est valorisée. 75% se déclarent insatisfaits de leur salaire (surtout depuis la réforme des barèmes en 2018). " Les tentatives (nécessaires) de renfort par des infirmiers non spécialisés en soins intensifs pendant la pandémie de Covid-19 nous ont appris que les infirmiers d'USI sont aussi difficilement remplaçables. Et pourtant, leur expertise est souvent " gaspillée " à des tâches qui ne requièrent pas de compétences spécifiques en matière de soins infirmiers - et certainement pas de soins intensifs. C'est ainsi que 99,6 % des répondants à l'enquête déclarent effectuer des tâches administratives, 89,4 % des commandes et du rangement de médicaments, et 80,9 % du nettoyage des chambres et des équipements... Ce constat avait déjà été posé dans la précédente étude du KCE réalisée en 2020 (rapport KCE 325). La solution ici est d'engager du personnel de soutien (aides-soignants, personnel logistique) pour compléter les équipes - mais non pour remplacer les infirmiers ! - afin d'optimaliser les expertises disponibles ", avance le KCE.Tout en rappelant que " le personnel de santé est l'épine dorsale et l'atout le plus précieux de notre système de santé, mais qu'il en est aussi le talon d'Achille ", le centre fédéral d'expertise exhorte les autorités à mettre en place un plan global pour attirer des infirmiers vers les soins infirmiers en général et vers les USI en particulier, et pour les motiver à y rester. " Ce plan devrait porter, entre autres, sur une meilleure reconnaissance, une rémunération adéquate, une promotion de la formation ainsi qu'une dotation en personnel conforme aux normes internationales. Il faut également mettre en place des initiatives pour améliorer la qualité de l'environnement de travail dans les hôpitaux. "