Tous les acteurs de la santé (et donc, pas uniquement les médecins) sont responsables pénalement de leurs actes, praticiens libéraux ou hospitaliers, établissements de santé, institutions publiques. Cette extension du droit pénal est récente. Dans un travail pionnier, centré sur le cas français, Alexandre Lunel a retracé les principales étapes de l'évolution du droit médical et a montré comment le droit pénal s'est immiscé de plus en plus profondément dans la pratique de tous les professionnels de la santé2. D'autre part, les essais de développement d'un droit pénal européen risquent de voir se développer prochainement une jurisprudence supranationale dans l'interface " droit pénal-droit médical "3.

Une problématique à la croisée de trois axes

L'ouvrage d'Anne Ponseille développe trois points de vue qui ne cessent de se croiser : la protection pénale de l'exercice des professions de la santé (1ère partie), la confrontation des professionnels de la santé au droit pénal (2ème partie) et enfin l'exposition des établissements de santé au droit pénal (3ème partie). Remarquons-le d'entrée de jeu : l'une des idées les plus originales de l'auteur est de montrer comment le droit pénal assure une protection juridique aux professionnels de la santé, et ce à un moment où ces derniers voient s'accumuler des plaintes - souvent fantaisistes - formulées à leur encontre.

En effet, pour certains patients ou familles, le simple fait que le professionnel puisse être justiciable fait que la moindre frustration, la moindre contrariété alimentée par l'angoisse générée par la maladie d'un proche, soit motif pour un dépôt de plainte. Chaque professionnel a vécu ces situations embarrassantes dans lesquelles ni sa bonne foi ni sa compétence ne peuvent être objectivement remises en cause.

Or, le droit est une médiation. Il est une pièce fondamentale dans la mise en oeuvre des lois, il introduit un ordre de rationalité et d'objectivité (même aléatoire, un magistrat n'étant pas l'autre) dans l'émotionnel inévitablement impliqué dans tout conflit entre êtres humains.

La protection, des professionnels de la santé-droit

Le préambule du livre indique déjà son originalité. L'auteur montre que le corpus des règles déontologiques (si le professionnel n'a pas enfreint les règles de la déontologie, il est déjà protégé) n'est pas le seul à offrir une protection aux professionnels de la santé. Le droit pénal a également cette fonction : " Plusieurs articles du Code pénal et du Code de la santé publique permettent la répression, au moyen de peines, de nombreux comportements qui portent atteinte tant à l'exercice des professions de la santé ... qu'aux modalités d'exercice de celles-ci. " (page 19).

Ce qui signifie qu'un acte médical pour lequel un professionnel de la santé serait cité au pénal par un patient ou par une famille ne pourrait déboucher sur une condamnation que s'il rentre dans le champ d'application (rigoureusement défini) du droit pénal. En soi, ce système est une protection de par sa rigueur. En effet, dans un climat de plus en plus contaminé par les plaintes en tous genres, l'ordre pénal remet une objectivité au centre de jeu, et ce indépendamment du ressenti des deux parties.

Plusieurs types de fautes professionnelles

Sur le fond, tous les acteurs de la santé (et donc pas seulement les médecins), praticiens libéraux ou hospitaliers, établissements de santé, institutions publiques sont potentiellement responsables de fautes à caractère pénal qu'ils auraient commises. L'auteur montre à la fois comment les professionnels de la santé sont confrontés au droit pénal (Partie 2) et comment les établissements de droit de santé y sont exposés au même titre (Partie 3).

Les fautes les plus souvent retenues sont les atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique du patient (pages 95-138), la mise en danger de la vie ou de l'intégrité du patient (pages 139-162) et plus rarement, les faux et usages de faux (pages 163-164), les escroqueries (pages 165-172), les faux certificats et les fausses déclarations (pages 172-181), ou encore les violations du secret professionnel (pages 188-212).

Si les infractions à un droit médical pénal sont finalement nombreuses, les conditions de condamnation d'un professionnel sont très strictes, ce qui en réduit considérablement la fréquence. Au centre du débat, on trouve une notion ordinale (pour faire référence à la théorie moderne des nombres), celle de la responsabilité juridique.

La notion de responsabilité médicale sur le plan juridique

La notion de responsabilité est primordiale en droit : elle conditionne l'entièreté du système juridique, correctionnel, civil, administratif, pénal. Définir la responsabilité médicale est par conséquent fondamental, et ce d'autant plus que cet acte intellectuel doit intégrer des concepts émargeant à deux domaines en première intention hétérogènes, le droit et la santé. Il s'agit donc là typiquement d'une " définition-jointure ". En la précisant, l'intelligence se rend capable d'articuler deux ordres de rationalité : il n'y a pas " interdisciplinarité ", mais " transdisciplinarité ", le préfixe " trans " exprimant l'accession à un ordre supérieur, plus intégratif.

Deux excès doivent être évités. D'une part, le praticien de la santé ne peut pas être tenu pour responsable des conséquences de ses actes professionnels en dehors de toute faute. D'autre part, si faute il y a eu (et l'intentionnalité de la faute est requise (pages 40-41)), il n'est pas normal que le patient - ou la famille - lésé soit dans l'impossibilité juridique d'obtenir une reconnaissance du tort qui lui a été fait et une compensation.
On peut parler de responsabilité médicale quand trois éléments cumulatifs sont présents : une faute, un préjudice causé au patient et un lien de causalité dûment établi entre la faute et le préjudice.

Cette caractérisation renvoie à une autre notion, tout aussi fondamentale, celle de l'obligation. Or, la médecine étant ce qu'elle est, soit une science et un art grevés d'aléatoire, le médecin n'est pas tenu à une obligation de résultat, mais de moyens. Il doit pouvoir mobiliser tous les moyens disponibles pour tenter de guérir ou de soulager son patient. Mais, on le sait, la mort est l'aporie ultime de la médecine (4).

Conclusion

L'ouvrage d'Anne Ponseille est à mettre entre les mains de tous les professionnels de la santé. Les limites de leur responsabilité pénale y sont clairement établies. Ils y découvriront également avec intérêt (et sans doute avec étonnement) que le droit pénal les protège.
Au fur et à mesure que les métiers de la santé deviennent aussi sociétaux (ne fût-ce que parce que l'Etat ne pouvant plus subvenir à leur fonctionnement actuel, les restructure de plus en plus), ils prennent des dimensions juridiques. La relation " professionnel de la santé-patient " tend à revêtir de plus en plus les aspects d'un contrat dont les droits et les devoirs de chacun, médecin et patient, sont définis par la Loi.
Ces réalités juridiques interfèrent parfois avec des éléments psychologiques, faits d'incompréhensions, d'angoisses, de revendications, de dénis parfois. Cette irruption de l'émotionnel masque parfois le fait que la mort reste l'horizon ultime de l'ordre humain, avec ce qu'elle comporte de ruptures et de deuils. Personne ne peut rien y faire, c'est l'" exister " vivant, et par extension humain.

Tous les acteurs de la santé (et donc, pas uniquement les médecins) sont responsables pénalement de leurs actes, praticiens libéraux ou hospitaliers, établissements de santé, institutions publiques. Cette extension du droit pénal est récente. Dans un travail pionnier, centré sur le cas français, Alexandre Lunel a retracé les principales étapes de l'évolution du droit médical et a montré comment le droit pénal s'est immiscé de plus en plus profondément dans la pratique de tous les professionnels de la santé2. D'autre part, les essais de développement d'un droit pénal européen risquent de voir se développer prochainement une jurisprudence supranationale dans l'interface " droit pénal-droit médical "3. Une problématique à la croisée de trois axes L'ouvrage d'Anne Ponseille développe trois points de vue qui ne cessent de se croiser : la protection pénale de l'exercice des professions de la santé (1ère partie), la confrontation des professionnels de la santé au droit pénal (2ème partie) et enfin l'exposition des établissements de santé au droit pénal (3ème partie). Remarquons-le d'entrée de jeu : l'une des idées les plus originales de l'auteur est de montrer comment le droit pénal assure une protection juridique aux professionnels de la santé, et ce à un moment où ces derniers voient s'accumuler des plaintes - souvent fantaisistes - formulées à leur encontre. En effet, pour certains patients ou familles, le simple fait que le professionnel puisse être justiciable fait que la moindre frustration, la moindre contrariété alimentée par l'angoisse générée par la maladie d'un proche, soit motif pour un dépôt de plainte. Chaque professionnel a vécu ces situations embarrassantes dans lesquelles ni sa bonne foi ni sa compétence ne peuvent être objectivement remises en cause. Or, le droit est une médiation. Il est une pièce fondamentale dans la mise en oeuvre des lois, il introduit un ordre de rationalité et d'objectivité (même aléatoire, un magistrat n'étant pas l'autre) dans l'émotionnel inévitablement impliqué dans tout conflit entre êtres humains. La protection, des professionnels de la santé-droit Le préambule du livre indique déjà son originalité. L'auteur montre que le corpus des règles déontologiques (si le professionnel n'a pas enfreint les règles de la déontologie, il est déjà protégé) n'est pas le seul à offrir une protection aux professionnels de la santé. Le droit pénal a également cette fonction : " Plusieurs articles du Code pénal et du Code de la santé publique permettent la répression, au moyen de peines, de nombreux comportements qui portent atteinte tant à l'exercice des professions de la santé ... qu'aux modalités d'exercice de celles-ci. " (page 19). Ce qui signifie qu'un acte médical pour lequel un professionnel de la santé serait cité au pénal par un patient ou par une famille ne pourrait déboucher sur une condamnation que s'il rentre dans le champ d'application (rigoureusement défini) du droit pénal. En soi, ce système est une protection de par sa rigueur. En effet, dans un climat de plus en plus contaminé par les plaintes en tous genres, l'ordre pénal remet une objectivité au centre de jeu, et ce indépendamment du ressenti des deux parties. Plusieurs types de fautes professionnelles Sur le fond, tous les acteurs de la santé (et donc pas seulement les médecins), praticiens libéraux ou hospitaliers, établissements de santé, institutions publiques sont potentiellement responsables de fautes à caractère pénal qu'ils auraient commises. L'auteur montre à la fois comment les professionnels de la santé sont confrontés au droit pénal (Partie 2) et comment les établissements de droit de santé y sont exposés au même titre (Partie 3). Les fautes les plus souvent retenues sont les atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique du patient (pages 95-138), la mise en danger de la vie ou de l'intégrité du patient (pages 139-162) et plus rarement, les faux et usages de faux (pages 163-164), les escroqueries (pages 165-172), les faux certificats et les fausses déclarations (pages 172-181), ou encore les violations du secret professionnel (pages 188-212). Si les infractions à un droit médical pénal sont finalement nombreuses, les conditions de condamnation d'un professionnel sont très strictes, ce qui en réduit considérablement la fréquence. Au centre du débat, on trouve une notion ordinale (pour faire référence à la théorie moderne des nombres), celle de la responsabilité juridique. La notion de responsabilité médicale sur le plan juridique La notion de responsabilité est primordiale en droit : elle conditionne l'entièreté du système juridique, correctionnel, civil, administratif, pénal. Définir la responsabilité médicale est par conséquent fondamental, et ce d'autant plus que cet acte intellectuel doit intégrer des concepts émargeant à deux domaines en première intention hétérogènes, le droit et la santé. Il s'agit donc là typiquement d'une " définition-jointure ". En la précisant, l'intelligence se rend capable d'articuler deux ordres de rationalité : il n'y a pas " interdisciplinarité ", mais " transdisciplinarité ", le préfixe " trans " exprimant l'accession à un ordre supérieur, plus intégratif. Deux excès doivent être évités. D'une part, le praticien de la santé ne peut pas être tenu pour responsable des conséquences de ses actes professionnels en dehors de toute faute. D'autre part, si faute il y a eu (et l'intentionnalité de la faute est requise (pages 40-41)), il n'est pas normal que le patient - ou la famille - lésé soit dans l'impossibilité juridique d'obtenir une reconnaissance du tort qui lui a été fait et une compensation. On peut parler de responsabilité médicale quand trois éléments cumulatifs sont présents : une faute, un préjudice causé au patient et un lien de causalité dûment établi entre la faute et le préjudice. Cette caractérisation renvoie à une autre notion, tout aussi fondamentale, celle de l'obligation. Or, la médecine étant ce qu'elle est, soit une science et un art grevés d'aléatoire, le médecin n'est pas tenu à une obligation de résultat, mais de moyens. Il doit pouvoir mobiliser tous les moyens disponibles pour tenter de guérir ou de soulager son patient. Mais, on le sait, la mort est l'aporie ultime de la médecine (4). Conclusion L'ouvrage d'Anne Ponseille est à mettre entre les mains de tous les professionnels de la santé. Les limites de leur responsabilité pénale y sont clairement établies. Ils y découvriront également avec intérêt (et sans doute avec étonnement) que le droit pénal les protège. Au fur et à mesure que les métiers de la santé deviennent aussi sociétaux (ne fût-ce que parce que l'Etat ne pouvant plus subvenir à leur fonctionnement actuel, les restructure de plus en plus), ils prennent des dimensions juridiques. La relation " professionnel de la santé-patient " tend à revêtir de plus en plus les aspects d'un contrat dont les droits et les devoirs de chacun, médecin et patient, sont définis par la Loi. Ces réalités juridiques interfèrent parfois avec des éléments psychologiques, faits d'incompréhensions, d'angoisses, de revendications, de dénis parfois. Cette irruption de l'émotionnel masque parfois le fait que la mort reste l'horizon ultime de l'ordre humain, avec ce qu'elle comporte de ruptures et de deuils. Personne ne peut rien y faire, c'est l'" exister " vivant, et par extension humain.