A l'invitation de l'Association belge des hôpitaux (ABH), près de 500 personnes ont réfléchi fin juin à la dynamique des réseaux hospitaliers. De quoi ramener des idées, voire des approches stratégiques, dans leurs hôpitaux respectifs après une bonne séance de "networking".
Lors du débat de fin de journée, Dirk Thielens, secrétaire général de l'ABH et administrateur délégué adjoint du réseau Iris, a fait réagir quelques cadors du secteur sur les enjeux, les pièges et les défis de cette réforme.
Bottom-up ou top-down?
Ce genre de réforme doit-elle venir d'en haut ou d'en bas? "Le Cabinet sollicite tout le monde pour donner son avis. J'ignore ce que cela va changer, souligne Jacques de Toeuf. In fine, ce qui comptera, c'est le résultat. Il faut avoir des lignes directives. On parle actuellement beaucoup plus de missions que d'hôpitaux. Le système a l'air relativement souple." Le vice-président de l'Absym estime qu'il convient de tenir de compte de la labilité politique. "Quand on monte de tels projets - qui sont d'énormes révolutions - il faut refaire des analyses, des feed-back. Or, l'horizon du politique est à court terme. On ne sait pas ce que fera son successeur... Plus le projet sera porté par les gens d'en-bas, moins les prochains hommes ou femmes politiques pourront faire autre chose que de poursuivre le mouvement."
Yves Smeets et Dieter Goemaere, coordinateur du groupe hôpitaux généraux chez Gibbis, ont insisté sur le climat de confiance à établir entre les partenaires. "Il faut un projet ambitieux et que les partenaires soient d'accord d'aller dans cette direction tout en leur donnant la liberté de prendre le chemin qu'ils veulent pour parvenir aux résultats. C'est souplesse est indispensable. Dans le cas contraire, la dynamique va bloquer", prévient le directeur général de santhea. Un avis partagé par Peter Degadt, patron de Zorgnet Vlaanderen, qui estime qu' "il est important d'avoir une sécurité financière et juridique au niveau des engagements des autorités."
Pour Jean-Marc Laasman (Solidaris), il est logique de créer une dynamique bottom-up pour la constitution de réseaux. "Il est important d'avoir un cadre qui impose la mise en réseau, la collaboration et le partage des ressources et des activités. Au-delà de la mise en réseau, si on veut gagner en efficience - c'est tout de même l'objectif de l'opération - il faudra aller plus loin. Les autorités doivent évidemment revoir la programmation et le financement. J'ai parfois l'impression qu'il n'y a pas de cohérence entre la réforme du paysage hospitalier et le modèle de financement que les autorités comptent mettre en place. Pour inciter les hôpitaux à collaborer, il faudra peut-être aussi penser à un autre modèle de financement. Pour le moment, ce n'est pas clair."
Vers des méga-structures ?
Cette réforme des réseaux va-t-elle créer de grands hôpitaux fusionnés, qui auront une réglementation générale commune, un médecin-chef ? Yves Smeets estime qu'il est encore difficile de répondre à cette question. "En Wallonie et à Bruxelles, les contours des réseaux sont encore un peu flous. En fonction du type de processus - libre et volontaire - ou - contraint et forcé - le rythme d'intégration dans les réseaux sera différent et la forme finale de ceux-ci aussi. Peut-être que dans 20 ans, la Belgique comptera 25 méga-hôpitaux. Le chemin pour y arriver sera encore long."
Pour Peter Degadt, le danger des grandes structures est le risque de s'écarter des patients et des médecins de la base. "Ce n'est pas un bon modèle. Il est plus important d'avoir une bonne communication autour du patient entre les prestataires de soins et de disposer d'outils qui peuvent permettre de centraliser les activités qui doivent l'être et de se décentraliser auprès du patient." Jacques de Toeuf estime qu'il faut regrouper les compétences et connaissances et éviter le gaspillage. "Les très grandes entités ne sont toutefois pas souhaitables. On doit rester près du terrain pour pouvoir articuler l'hôpital avec les autres formes de soins, la première ligne. C'est impossible de piloter cette collaboration d'en haut. En outre, il faut prévoir des modifications légales pour pouvoir mutualiser les fonctions de support : pharmacie, laboratoire et améliorer le mécanisme des appels d'offres pour les marchés. Il est également nécessaire de changer de modèle de fonctionnement au niveau des centres de production : les médecins et les gestionnaires doivent marcher ensemble."
Par ailleurs, le vice-président de l'Absym estime que l'hôpital doit devenir une entreprise ayant une gestion professionnelle. "Arrêtons de confier la gestion des hôpitaux à des personnes qui sont désignées par des instances opaques et changent tous les 5 ans. C'est de la fantaisie."
Peter Degadt a invité les responsables des fédérations hospitalières, les représentants syndicaux des médecins, les mutualités à se voir plus régulièrement pour échanger sur les problématiques du secteur et défendre leurs intérêts communs, particulièrement à Bruxelles. "Un grand appel à la solidarité au sein du secteur hospitalier", a résumé Dirk Thielens.
Fournisseur d'emplois ou de soins ?
Les hôpitaux-ont-ils une responsabilité sociétale vis-à-vis de leurs travailleurs? Deux visions se sont affrontées sur ce sujet lors du débat : une socialiste et une libérale. Pour Yves Smeets, les institutions hospitalières ont une responsabilité envers leurs employés. "Ce sont souvent les plus grands employeurs d'une région. Avec les coupes budgétaires sombres et les perspectives de rationalisation au travers des réseaux, l'emploi sera en première ligne. C'est un enjeu majeur du débat. La Fondation Roi Baudouin a montré récemment que le secteur non-profit a été un important créateur d'emplois ces dernières années. Est-ce que cela sera encore le cas à l'avenir?" Pour Jacques de Toeuf, à l'inverse, "l'hôpital n'a pas vocation à créer ou maintenir des emplois. Sa raison d'être est de soigner des gens. Il faut des professionnels formés et compétents."
Message contradictoire
Le syndicaliste médical de Toeuf a profité de l'audience pour partager les craintes de ses confrères. "Aujourd'hui, on ouvre tous les chantiers à la fois : changement des champs d'action des professions (ARN°78), création des réseaux et modification du mode de financement. Les autorités ont rendu un mauvais service à cette grande réforme en disant qu'on allait recycler les bonus dans le système hospitalier tout en réalisant cette année 92 millions d'euros d'économies sur les hôpitaux et 200 millions sur le dos médecins. Ce message est contradictoire." "Au départ, rappelle Jean-Marc Laasman, directeur du service études des Mutualités socialistes, l'objectif de la réforme hospitalière n'était pas d'économiser mais de rationnaliser pour pérenniser l'outil et garantir la qualité. Notre regret est de voir que les objectifs initiaux ont été détournés et que la réforme est devenue un levier d'ajustement budgétaire.""Il faut être clair : à court terme, les réseaux ne vont pas générer d'économies, ajoute Dieter Goemaere. Il faudra investir dans la dynamique des réseaux pour pouvoir en recueillir à long terme les fruits. Il est important de pouvoir avoir une certaine prévisibilité. A l'heure actuelle, il y a encore de nombreuses inconnues et incertitudes. Arrêter la pression financière sur les hôpitaux est également un préalable."
Lors du débat de fin de journée, Dirk Thielens, secrétaire général de l'ABH et administrateur délégué adjoint du réseau Iris, a fait réagir quelques cadors du secteur sur les enjeux, les pièges et les défis de cette réforme.Bottom-up ou top-down?Ce genre de réforme doit-elle venir d'en haut ou d'en bas? "Le Cabinet sollicite tout le monde pour donner son avis. J'ignore ce que cela va changer, souligne Jacques de Toeuf. In fine, ce qui comptera, c'est le résultat. Il faut avoir des lignes directives. On parle actuellement beaucoup plus de missions que d'hôpitaux. Le système a l'air relativement souple." Le vice-président de l'Absym estime qu'il convient de tenir de compte de la labilité politique. "Quand on monte de tels projets - qui sont d'énormes révolutions - il faut refaire des analyses, des feed-back. Or, l'horizon du politique est à court terme. On ne sait pas ce que fera son successeur... Plus le projet sera porté par les gens d'en-bas, moins les prochains hommes ou femmes politiques pourront faire autre chose que de poursuivre le mouvement."Yves Smeets et Dieter Goemaere, coordinateur du groupe hôpitaux généraux chez Gibbis, ont insisté sur le climat de confiance à établir entre les partenaires. "Il faut un projet ambitieux et que les partenaires soient d'accord d'aller dans cette direction tout en leur donnant la liberté de prendre le chemin qu'ils veulent pour parvenir aux résultats. C'est souplesse est indispensable. Dans le cas contraire, la dynamique va bloquer", prévient le directeur général de santhea. Un avis partagé par Peter Degadt, patron de Zorgnet Vlaanderen, qui estime qu' "il est important d'avoir une sécurité financière et juridique au niveau des engagements des autorités." Pour Jean-Marc Laasman (Solidaris), il est logique de créer une dynamique bottom-up pour la constitution de réseaux. "Il est important d'avoir un cadre qui impose la mise en réseau, la collaboration et le partage des ressources et des activités. Au-delà de la mise en réseau, si on veut gagner en efficience - c'est tout de même l'objectif de l'opération - il faudra aller plus loin. Les autorités doivent évidemment revoir la programmation et le financement. J'ai parfois l'impression qu'il n'y a pas de cohérence entre la réforme du paysage hospitalier et le modèle de financement que les autorités comptent mettre en place. Pour inciter les hôpitaux à collaborer, il faudra peut-être aussi penser à un autre modèle de financement. Pour le moment, ce n'est pas clair."Vers des méga-structures ?Cette réforme des réseaux va-t-elle créer de grands hôpitaux fusionnés, qui auront une réglementation générale commune, un médecin-chef ? Yves Smeets estime qu'il est encore difficile de répondre à cette question. "En Wallonie et à Bruxelles, les contours des réseaux sont encore un peu flous. En fonction du type de processus - libre et volontaire - ou - contraint et forcé - le rythme d'intégration dans les réseaux sera différent et la forme finale de ceux-ci aussi. Peut-être que dans 20 ans, la Belgique comptera 25 méga-hôpitaux. Le chemin pour y arriver sera encore long."Pour Peter Degadt, le danger des grandes structures est le risque de s'écarter des patients et des médecins de la base. "Ce n'est pas un bon modèle. Il est plus important d'avoir une bonne communication autour du patient entre les prestataires de soins et de disposer d'outils qui peuvent permettre de centraliser les activités qui doivent l'être et de se décentraliser auprès du patient." Jacques de Toeuf estime qu'il faut regrouper les compétences et connaissances et éviter le gaspillage. "Les très grandes entités ne sont toutefois pas souhaitables. On doit rester près du terrain pour pouvoir articuler l'hôpital avec les autres formes de soins, la première ligne. C'est impossible de piloter cette collaboration d'en haut. En outre, il faut prévoir des modifications légales pour pouvoir mutualiser les fonctions de support : pharmacie, laboratoire et améliorer le mécanisme des appels d'offres pour les marchés. Il est également nécessaire de changer de modèle de fonctionnement au niveau des centres de production : les médecins et les gestionnaires doivent marcher ensemble." Par ailleurs, le vice-président de l'Absym estime que l'hôpital doit devenir une entreprise ayant une gestion professionnelle. "Arrêtons de confier la gestion des hôpitaux à des personnes qui sont désignées par des instances opaques et changent tous les 5 ans. C'est de la fantaisie." Peter Degadt a invité les responsables des fédérations hospitalières, les représentants syndicaux des médecins, les mutualités à se voir plus régulièrement pour échanger sur les problématiques du secteur et défendre leurs intérêts communs, particulièrement à Bruxelles. "Un grand appel à la solidarité au sein du secteur hospitalier", a résumé Dirk Thielens.Fournisseur d'emplois ou de soins ?Les hôpitaux-ont-ils une responsabilité sociétale vis-à-vis de leurs travailleurs? Deux visions se sont affrontées sur ce sujet lors du débat : une socialiste et une libérale. Pour Yves Smeets, les institutions hospitalières ont une responsabilité envers leurs employés. "Ce sont souvent les plus grands employeurs d'une région. Avec les coupes budgétaires sombres et les perspectives de rationalisation au travers des réseaux, l'emploi sera en première ligne. C'est un enjeu majeur du débat. La Fondation Roi Baudouin a montré récemment que le secteur non-profit a été un important créateur d'emplois ces dernières années. Est-ce que cela sera encore le cas à l'avenir?" Pour Jacques de Toeuf, à l'inverse, "l'hôpital n'a pas vocation à créer ou maintenir des emplois. Sa raison d'être est de soigner des gens. Il faut des professionnels formés et compétents." Message contradictoireLe syndicaliste médical de Toeuf a profité de l'audience pour partager les craintes de ses confrères. "Aujourd'hui, on ouvre tous les chantiers à la fois : changement des champs d'action des professions (ARN°78), création des réseaux et modification du mode de financement. Les autorités ont rendu un mauvais service à cette grande réforme en disant qu'on allait recycler les bonus dans le système hospitalier tout en réalisant cette année 92 millions d'euros d'économies sur les hôpitaux et 200 millions sur le dos médecins. Ce message est contradictoire." "Au départ, rappelle Jean-Marc Laasman, directeur du service études des Mutualités socialistes, l'objectif de la réforme hospitalière n'était pas d'économiser mais de rationnaliser pour pérenniser l'outil et garantir la qualité. Notre regret est de voir que les objectifs initiaux ont été détournés et que la réforme est devenue un levier d'ajustement budgétaire.""Il faut être clair : à court terme, les réseaux ne vont pas générer d'économies, ajoute Dieter Goemaere. Il faudra investir dans la dynamique des réseaux pour pouvoir en recueillir à long terme les fruits. Il est important de pouvoir avoir une certaine prévisibilité. A l'heure actuelle, il y a encore de nombreuses inconnues et incertitudes. Arrêter la pression financière sur les hôpitaux est également un préalable."