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Un "Centre de santé de l'adolescent", pour quoi faire? Cela n'existe-t-il donc pas déjà? "Non. Des consultations existent, mais portées par des collègues qui sont souvent seuls, comme je l'ai été pendant 15 ans... Cela ne suffit pas à absorber la demande, très importante, et à avoir un réel impact", souffle Françoise Dominé, la médecin responsable du Centre de santé de l'adolescent (CSA) inauguré il y a quelques jours au 5e étage du CHC MontLégia (Liège). "Il faut de la pluridisciplinarité, et surtout de l'interdisciplinarité." Et la médecin de rappeler que contrairement aux autres cohortes d'âges, "la mortalité chez les ados, bien que pas très haute, n'a pas chuté au cours des 50 dernières années."Formée à l'Université de Lausanne, au sein du programme EuTeach (European training in effective adolescent care en health) qu'elle dispense à son tour à ses collègues belges lors de deux sessions annuelles de trois jours ouvertes aux généralistes et spécialistes notamment, Françoise Dominé a porté, depuis 2021, ce projet de rassembler en un lieu unique un accueil pour les ados qui ont des maladies chroniques ou des plaintes somatiques, doublées d'un mal-être psychique ou social. Un budget fédéral de 35 millions d'euros libéré par le SPF pour renforcer l'ambulatoire a, entre autres, permis de le concrétiser. "Notre département de pédiatrie au CHC est assez imposant, avec 85 - bientôt 90 - médecins, un peu plus de 100 lits d'hospitalisation, 50.000 consultations et 30.000 urgences", souligne le Dr André Mulder, chef de la pédiatrie. "Aux urgences, 13% des passages concernent des ados, soit une douzaine en moyenne par jour, parfois pour de la petite traumatologie, souvent pour des problématiques spécifiques. Nous sommes donc très fiers d'inaugurer ce centre, dont le chemin d'entrée est médical.""Les multicrises et difficultés auxquelles les adolescents sont confrontés - covid, troubles anxieux liés au changement climatique, inondations dans le bassin liégeois, climat géopolitique - les affectent davantage que les adultes", rappelle la ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale. Ainsi, depuis la pandémie, les troubles alimentaires ont connu des pics jusqu'à 83%, alertent certaines études. À ce titre, le CSA travaille avec le Cepia - le Centre d'expertise francophone sur le poids, l'image du corps et l'alimentation qui, avec le soutien des autorités wallonnes, propose des outils concrets et des formations. L'équipe du CSA compte 25 personnes - pédiatres, médecin généraliste, pédopsychiatre et psychologues, diététiciens, sexologue, ostéopathe, infirmiers, éducateurs, secrétaires et assistante sociale/coordinatrice -, qui assurent le lien entre l'hôpital et le réseau en première ligne (généralistes, PMS, SAJ, foyers, internats,...). La Wallonie compte plus de 430.000 jeunes de 10 à 19 ans qui "sont reçus soit en pédiatrie qui ne leur est plus adaptée, soit en médecine des adultes où l'on attend des patients qu'ils aient une autonomie et une prise en charge de soi qui ne sont pas encore actives chez eux", note la Dre Dominé. Le CSA, qui accueille en moyenne 130 patients (12-20 ans) par semaine pour le moment, entend combler ce no man's land, en espérant aussi que d'autres lui emboîteront le pas en venant se former. "Nous donnons aussi des formations via les Glem, lors de journées médicales thématiques, ainsi que deux heures aux étudiants de 3e année de médecine via le DUMG de Liège", ajoute Françoise Dominé. La formation en médecine de l'adolescent n'existe pas (encore) dans les facs de médecine en Belgique. "Les enjeux particuliers du développement cérébral de l'ado, l'intrication du développement biopsychosocial sur le devenir de l'individu ne sont malheureusement pas abordés dans la formation actuelle", regrette la médecin. Tant l'OMS que l'Académie européenne de pédiatrie mettent pourtant l'accent sur le développement de programmes médicaux axés adolescents, des "youth friendly health services" avec des dimensions préventive et éducative, à l'instar de ce qui existe en Suisse et au CHU Sainte-Justine à Montréal.