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" Notre hôpital a été fort impacté par le coronavirus (lire JdM N°2630). A un moment, nous avions plus de patients Covid à Epicura que dans certaines provinces. Nous avons ouvert une première unité Covid le 13 mars et le 16 mars elle était déjà remplie. Nous avons créé plus de 2.000 dossiers Covid, pour 850 cas confirmés et suspects hospitalisés dont 200 passages à l'USI de cas confirmés. Nous n'avons effectué que 25 transferts vers d'autres hôpitaux moins chargés ou possédant une Ecmo libre (Epicura ne dispose que d'une Ecmo qui a toujours été occupée, ndlr). Malheureusement, il y a eu de nombreux morts. Nous avons ouvert jusqu'à sept unités Covid durant la crise sur nos sites du Borinage et de Ath", confie le directeur général.La forte implication d'Epicura dans la lutte contre le Covid a évidemment un impact sur la reprise de ses activités. "Notre personnel a été fort mobilisé. Au début, des travailleurs ont été effrayé par la situation. Nous avons eu jusqu'à 700 certificats de maladie. Ce qui est beaucoup sur 2.500 travailleurs. Certains collaborateurs sont encore malades. D'autres sont très fatigués par le stress du travail et celui généré par la situation." Depuis quelques semaines, Epicura s'est préparé à la relance de ses activités en tenant compte des consignes des autorités. "Nous avons réalisé un exercice collégial dans le cadre du Comité de crise, élargi au terrain. Ce Recovery plan post Covid (RPPC) tient compte du constat de la réduction de nos activités : - 54% d'admissions, - 82% de consultations et - 63% de passages aux urgences. Nous avons mis en place fin avril des téléconsultations, ce qui nous a permis de limiter finalement la chute des consultations à - 70%, en réalisant au 10 mai près de 6.000 téléconsultations via téléphone ou visioconférence. 2.000 interventions ont été déprogrammées ainsi que 1.200 examens RMN."Au 3 juin, Epicura a constaté une baisse de l'activité Covid et une reprise de l'activité classique. A cette date, l'hôpital comptabilisait encore un patient Covid non-guéri aux soins intensifs, deux unités de soins intensifs sans patients Covid et neuf patients hospitalisés Covid (hors soins intensifs). Depuis le 3 juin, les visites sont également autorisées dans tous les services, sauf dans les unités Covid et contre-indications médicales.François Burhin signale que la relance de l'activité ne permettait pas encore au 13 mai de rattraper le retard de prise en charge accumulé durant la crise. "Nous ne sommes pas encore dans le rattrapage des activités. Nous évitons que le trou ne s'agrandisse. En raison des conditions fort strictes qui sont imposées nous ne pouvons pas encore reprendre normalement nos activités. Dans la première phase, nous avons rouvert des salles de consultation et d'hospitalisation. Dans notre plan, nous avions prévu d'abord, comme beaucoup d'autres hôpitaux une demi-heure pour chaque consultation. Nous sommes ensuite passé à vingt minutes."Epicura a réservé certains appareils d'imagerie médicale aux patients Covid. "Ce qui permet de désinfecter différemment les machines utilisées et d'adapter les plages horaires."Un système de dépistage PCR a été mis en place dans l'hôpital. " Tous les patients qui doivent passer une intervention chirurgicale ou des actes invasifs ou aérosolisants sont testés. Ainsi que ceux qui sont hospitalisés. Si le test est positif, l'intervention est reportée. Sauf les urgences."Dans son Recovery plan post Covid, Epicura a réalisé une traduction opérationnelle du Plan d'urgence hospitalier (PUH) en l'adaptant aux différentes phases. "Nous l'avons détaillé pour la phase 1, esquissé pour les phase 2 et 3. Pour la phase 3, on nous demande de pouvoir tripler nos capacités. Or, même durant les pires moments de la crise, nous n'avons pas dû le faire. "Une réflexion a été menée pour bien organiser les flux des patients dans les différents bâtiments. Des maquettes 3D ont été réalisées ainsi que des affiches pour guider les patients et les visiteurs. L'hôpital a acheté et loué du matériel de signalisation et des plots.Le plan émet de nombreuses recommandations pour l'organisation des consultations, l'occupation des locaux... "Tout a été chamboulé. Les horaires et des fonctions ont été modifiés. Dans notre secteur, nous n'avons pas l'habitude de travailler de cette façon en changeant les affectations." A la mi-mai, Epicura n'avait pas encore rouvert ses polycliniques.Grâce à un logiciel fourni par Möbius, l'hôpital a pu réaliser des simulations pour la reprise de l'activité opératoire. "Nous alimentons cet outil avec des données et il nous propose des scénarios de reprise. " Epicura dispose de 17 salles d'opérations. Durant la crise, seules deux salles fonctionnaient. A la mi-mai, cinq étaient en service. "Il y a encore une marge de progression."La direction a négocié avec le conseil d'entreprise pour discuter des principes de la reprise. " Il faut rencontrer les demandes urgentes des patients. Il y a également une certaine urgence de la part des prestataires, surtout ceux qui ont peu travaillé au cours des dernières semaines. J'ai été indépendant durant ma carrière ", confie François Burhin. " Je peux très bien comprendre cette réaction de la part de prestataires indépendants. Les médecins peuvent consulter 24h sur 24 mais s'il leur faut des infirmières pour les aider, les moyens à mobiliser sont différents. Je ne peux pas leur allouer des infirmières supplémentaires parce qu'il n'y en a pas assez. D'autant plus, si l'objectif est juste, pour les médecins, de pouvoir rattraper le retard de l'activité élective."Les auteurs du RPPC se sont aussi penchés sur la réouverture des salles d'hospitalisation non-Covid. "Durant la crise, outre le PUH, nous avons dû fermer de nombreux unités non-Covid pour trouver assez de places pour les patients Covid (15 par unité) et réquisitionner une partie de notre personnel, par exemple, tous les effectifs des blocs opératoires. Il a fallu ensuite désinfecter et réorganiser toutes les salles qui ne sont plus dédiées au coronavirus."La dernière partie du RPPC est consacré à l'impact financier de la crise. Selon une première évaluation (lire jdM n° 2630), Epicura estime avoir perdu, hors subsides et avance de l'Inami, entre 11 et 13 millions durant les trois premiers mois de la crise. "C'est énorme ", commente François Burhin qui attend des autorités qu'elles soutiennent les hôpitaux qui se sont investis dans la lutte contre le coronavirus et que le secteur réfléchisse à son modèle de financement encore trop centré sur les actes. Vincent Claes