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"Nous voulions d'abord protéger les patients des réactions qu'ils peuvent avoir lorsqu'une allergie au latex se manifeste", explique le Dr Philippe Malvaux, coordinateur médical du bloc opératoire. "Certains patients savent qu'ils sont allergiques au latex, ce qui permet de prendre les précautions nécessaires: par exemple, les prendre en début du programme chirurgical, en éliminant le latex dans le bloc opératoire. Cette procédure était compliquée et nécessitait de prendre des mesures spécifiques. En outre, d'autres patients ignorent qu'ils sont allergiques au latex. Ils peuvent déclencher une sensibilité lors d'un premier contact et puis déclencher une réaction allergique lors d'un deuxième contact, par exemple lors d'une intervention chirurgicale." Le chirurgien digestif souligne qu'il n'est pas toujours facile de détecter la réaction cutanée provoquée par une allergie lors d'une opération parce que le corps est recouvert de champs opératoires. La non-utilisation du latex en chirurgie est également bénéfique pour le personnel qui est exposé quotidiennement à ce matériau. "L'utilisation de gants en latex poudrés vaporise et aérosolise des substances dans l'air qui augmentent le risque d'allergie du personnel", ajoute le Dr Malvaux. "Il y a aussi des irritations de contact qui créent des gerçures et la dermatite atopiquequi sont responsables d'arrêts et d'incapacité de travail, d'adaptation des tâches..."Pour éviter ces différents problèmes, le Chwapi a opté pour une chirurgie sans latex qui va s'étendre à l'avenir au reste de l'hôpital puisque le latex se trouve également dans d'autres équipements, par exemple, les sondes urinaires, les caoutchoucs des seringues qui injectent les médicaments... Selon Armèle Biloa, pharmacienne responsable du matériel et des implants au bloc opératoire, la littérature internationale avance les chiffres de 17% d'allergie au latex pour le personnel hospitalier et de 6% pour la population. Le Dr Malvaux souligne que de nombreuses personnes deviennent allergiques au latex parce qu'elles mangent des avocats, des kiwis, des châtaignes, des fruits exotiques... qui peuvent créer des allergies croisées. Pour remplacer le latex, l'hôpital peut utiliser deux types de gants chirurgicaux stériles en néoprène et en poly-isoprène. L'utilisation de ces autres matériaux a un impact financier pour l'institution. "Nous avons réussi à négocier avec notre fournisseur pour limiter l'augmentation des coûts des gants en néoprène a seulement deux fois le prix de ceux en latex", précise Armèle Biloa. "En tout, le surcoût lié à cette démarche s'élève à 55.000 euros par an en tenant compte du fait que nous utilisons 140.000 paires de gants en une année, dont 100.000 pour le bloc opératoire."Que coûterait au Chwapi de devenir un hôpital sans latex? Plus ou moins 200.000 euros par an. "Cela englobe les sondes, les gants, les attelles, les bandages, les draps, les tuyaux...", précise Armèle Biloa. Plusieurs autres hôpitaux belges ont également choisi d'écarter le latex de leur bloc opératoire: par exemple, le CHC de Liège et les Cliniques universitaires Saint-Luc. "De nombreux hôpitaux ne se débarrassent pas totalement du latex en raison du coût financier que cela représente", commente le Dr Malvaux. "On parle beaucoup des patients qui ont été opérés plusieurs fois et qui deviennent allergiques au latex", remarque le Dr Gwenaëlle Brui, pneumologue et allergologue, "mais je vois également chez des enfants qui, dans leurs antécédents, ont juste eu une circoncision et deviennent tout de même allergiques au latex. Cela peut déboucher sur des risques alimentaires et d'autres allergies. C'est invalidant au quotidien parce que nous sommes entourés de latex. Par exemple, un enfant ne peut plus jouer dans un château gonflable ou avec un ballon baudruche." Cet évitement du latex concerne aussi, par exemple, les ficus en pot qui se trouvent dans les couloirs des hôpitaux et peuvent déclencher des allergies croisées. L'hôpital doit repenser totalement l'utilisation des matériaux en évitant les objets qui pourraient être en latex. La volonté stratégique de supprimer le latex à l'hôpital, soutenu stratégiquement par la direction du Chwapi, ne s'inscrit pas une volonté de transition écologique. Les gants chirurgicaux ne sont évidemment pas recyclés. Ils sont incinérés en tant que déchets infectieux, classe B2. Les promoteurs de la chirurgie sans latex ont dû convaincre en interne certains confrères de changer leurs habitudes. "Le gant en latex est très agréable, confortable et offre une bonne dextérité, mais aujourd'hui le gant sans latex est aussi de bonne qualité. Le confort de travail n'est pas très différent. Le gant en néoprène offre même parfois une sensibilité améliorée, qui permet d'avoir un toucher plus agréable", commente le Dr Malvaux, qui souligne que le fait de passer aux gants sans latex permettra d'avoir une plus grande constance dans la livraison de ces produits. "Nous n'avons pas eu de plaintes de la part des chirurgiens. Il y a moins de résistance au changement qu'avant parce que la gamme de produits sans latex s'est enrichie ces dernières années.""Tous les hôpitaux vont être amenés à devenir "latex free" pour améliorer la prise en charge globale des patients parce que ceux-ci peuvent être soignés dans différents hôpitaux qui vont de plus en plus travailler ensemble dans le cadre des réseaux. Il faut éviter de reproduire le cas réel du patient qui a été greffé dans un environnement sans latex dans un hôpital, mais à tout de même fait un choc anaphylactique parce que le greffon n'avait pas été prélevé dans un environnement sans latex dans un autre hôpital. Il faut avancer tous ensemble pour réduire les risques", conclut le Dr Gwenaëlle Brui.