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Pour rappel, ces grands travaux ont été lancés en 2019. Ils ont débuté par la phase 1 consacrée à la restructuration de la nomenclature sur un plan sémantique . "Trois équipes ont été mobilisées. La première, celle de l'ULB pilotée par les professeurs Pirson et Leclercq, a été chargée des actes techniques médico-chirurgicaux. Cela représentait près de 2.500 prestations à requalifier en près de 3.800 libellés pour 26 (sous)spécialités en tenant compte de trois axes: l'endroit de la prestation, la voie d'abord et la façon de procéder. Tous les lots ont été terminés et déposés en septembre 2021. Ils ont été validés depuis", explique Benoît Collin. "La deuxième équipe, Möbius, a été chargée de l'anatomopathologie, de la biologie clinique et moléculaire, de la génétique, de la radiothérapie et de la médecine nucléaire. Nous nous sommes rendus compte qu'il n'était pas toujours possible de tenir compte de cette structuration en trois axes dans ces disciplines. La question s'est aussi posée de savoir s'il fallait revoir la sémantique et la structure pour les libellés concernés. Pour l'anatomopathologie, la médecine nucléaire, la biologie moléculaire et la génétique ce travail est en cours de finalisation. Une étude complémentaire a été réalisée pour la biologie clinique parce que nous avons constaté qu'il fallait revoir le financement en lui-même plutôt que de continuer à travailler avec un prix de base par acte. Une étude de la manière dont cela fonctionne à l'étranger a été réalisée. On a remarqué que, dans la plupart des autres pays, la biologie clinique est réalisée par des médecins salariés et que l'on forfaitarise ou globalise par groupes de prestations plutôt que par acte. Nous avons aussi constaté qu'une marge assez importante semblait exister pour la couverture des frais de fonctionnement liés aux prestations de biologie clinique, notamment suite à l'automatisation. Ce qui pousse à réfléchir à une autre façon de financer la biologie clinique, plutôt par groupe de prestations et enveloppes en ambulatoire ou par groupe de prestations/pathologies en hospitalisation et ce, indépendamment du statut du prestataire qu'il ne nous appartient pas de décider", précise le grand patron de l'Inami. "La troisième équipe, l'UGent, s'est penchée sur les actes de consultations et assimilés aux consultations et a réfléchi à la nécessité de modifier cette nomenclature. La réponse à cette question est négative puisqu'un arrêté assez récent a permis de restructurer les actes de consultation. La discussion a porté sur une qualification de ces actes en fonction de la durée et de la complexité de la consultation et selon d'autres critères. Ce travail est également terminé."La phase 2 de la réforme permettra à terme d'identifier et de quantifier deux parties dans l'honoraire des prestations: une partie professionnelle et une partie de couverture des coûts de fonctionnement lié aux prestations. Il y aura donc deux sous-phases en parallèle. Durant la phase 2.1, l'objectif est de pondérer la partie professionnelle des actes médicaux pour pouvoir comparer un acte par rapport à un autre, d'abord, dans une même discipline et, ensuite, entre les disciplines en fonction de la durée, de la complexité et du risque de l'acte. Ce travail a commencé le 7 mars 2022 pour un premier groupe de prestations orthopédiques. "Pour chaque groupe de prestations (validées par la CTM), dans un premier temps, des experts médicaux - proposés par le GBS et choisis par l'équipe mixte ULB-KUL - vont effectuer une revue de chaque prestation de leur spécialité et proposer des échelles de pondération", explique l'administrateur général de l'Inami. "Ensuite, ce travail sera soumis à l'ensemble des médecins de la discipline. Ils pourront valider la proposition des experts ou proposer des modifications en les justifiant. Ces échanges se feront de façon électronique, via des tableaux. Ensuite, ces échelles pourront être finalisées et validées par le groupe des experts. Ce travail sera effectué pour les 26 spécialités concernées entre mars 2022 et la moitié de 2023. Cela permettra d'avoir une vue par spécialité. L'exercice complémentaire sera la réalisation d'échelles intradisciplinaires en rassemblant les échelles de chaque spécialité dans une matrice transversale qui permet d'avoir une pondération globale de l'ensemble des actes." Benoît Collin estime que le timing pour ce travail est et sera respecté. Les échelles intra et extradisciplinaires devraient être prêtes pour fin 2023/mi 2024. Les spécialistes vont recevoir de l'Inami un calendrier précis pour savoir quand ils devront se prononcer sur les propositions de pondération via un questionnaire en ligne. "Nous comptons sur l'ensemble du corps médical qui pourra donner son avis. Nous espérons que le taux de participation sera élevé puisque ce sera l'occasion pour chaque discipline d'évaluer ses prestations. N'oublions pas que ces pondérations vont être traduites par après en points, puis en euros, en fonction du budget disponible ou du budget nécessaire. Ce point doit encore faire l'objet de discussions politiques. Il est donc primordial que les médecins se mobilisent dans cette phase pour pondérer correctement leur activité sur base objective et selon une méthode scientifique validée." L'Inami prépare une communication détaillée, entre autres sur son site internet, pour informer le corps médical de cette démarche. Soulignons que ce processus participatif est particulièrement innovant de la part des autorités. "En effet, mais nous tenons vraiment à impliquer les praticiens parce qu'ils peuvent donner le poids exact de chaque acte de leur spécialité. Ce sont les meilleurs juges sans que leurs avis aient, dans un premier temps, une portée financière puisque la valeur du point n'est pas encore connue. La répartition budgétaire ne l'est pas encore non plus. Les médecins ont intérêt à être au plus proches de la réalité de leur pratique et à ne pas penser directement aux montants en euros que les actes vont générer. Si, par exemple, 1.000 orthopédistes se prononcent, ils ont intérêt à converger vers une même vision pour définir la lourdeur des actes. Il va falloir jouer le jeu en partant du travail des experts et en proposant des pondérations. Il ne faut pas faire des plans sur la comète en voulant anticiper le score final mais bien s'approcher le plus de la réalité", avance Benoît Collin. Une telle approche a été menée en France et aux États-Unis. Elle a été validée sur le plan scientifique. La médico-mut va être chargée de suivre l'avancement des travaux et va piloter le projet avec le Conseil technique médical (CTM). Dans la phase 2.2 de la réforme de la nomenclature, la KUL, en collaboration avec l'ULB, va évaluer les coûts de fonctionnement qui sont associés aux prestations. "L'idée est de demander à une série d'hôpitaux pilotes, qui se porteront candidats, de donner leurs coûts. L'idée intéressante est de déterminer le coût global total des frais directs pour chaque prestation, que ces frais soient actuellement payés, ce qui est la majorité des cas, par les honoraires, voire les suppléments, ou par le budget des moyens financiers (BMF). Nous allons examiner dans le détail la comptabilité de ces hôpitaux pour voir ce qui est utilisé pour effectuer une prestation. Nous allons aussi essayer d'approcher les coûts indirects (par exemple, les frais de l'administration, de l'hygiène hospitalière, la stérilisation...) de différentes façons. D'autre part nous allons faire un exercice de simulation, via la méthode suisse, des besoins réalistes selon des experts praticiens pour réaliser une prestation: Faut-il un infirmier, un technologue, du matériel, un bâtiment spécifique...? Ces besoins sont transformés en minutes et au terme de cet exercice, nous devrions disposer d'une échelle de pondération du poids du coût de chaque prestation. Et nous pourrons comparer la simulation aux coûts réels de l'analyse comptable et vérifier le différentiel justifié ou non. À terme les deux exercices devraient permettre d'approcher et de suivre régulièrement le coût-vérité de la partie "fonctionnement" d'une prestation. Il faut évidemment éviter d'attribuer des coûts qui ne devraient pas l'être à certaines prestations. C'est un point d'attention du corps médical, particulièrement dans le cadre du système actuel de rétrocession qui est censé couvrir actuellement les coûts directs et indirects mais sans véritable méthodologie ni contrôle quant à la réalité des coûts qui sont imputés ou déclarés "à charge des honoraires"."La dizaine d'hôpitaux pilotes, qui devront disposés de bonnes capacités d'analyse, seront financés à la hauteur d'un ETP universitaire pour participer à cette analyse des coûts. Les hôpitaux pilotes seront chargés d'évaluer l'évolution des coûts durant tout le processus. Ce grand chantier devrait être terminé pour mi-2024, fin 2024 au plus tard. "Nous sommes actuellement à jour dans le planning", se réjouit l'administrateur général. "Cela rejoint la volonté du ministre de la Santé publique et des Affaires sociales qui veut, même si la nouvelle nomenclature n'est pas encore mise en place avant 2025, que les travaux soient suffisamment avancés pour aboutir réellement à la réforme attendue et que l'on ne puisse plus revenir en arrière", commente Benoît Collin . "Dans cet esprit, cette réforme de la nomenclature sera alors aussi un des éléments majeurs de la réforme du financement des hôpitaux par la clarification des rétrocessions et des rapports entre prestataires et gestionnaires hospitaliers. Elle aura aussi un impact aussi pour les pratiques ambulatoires y compris extrahospitalières en identifiant une part de pratique plus objective."