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L'étude réalisée par Antares Consulting s'appuie sur plusieurs constats: le système de financement belge est à bout de souffle, il manque de transparence, il produit des effets pervers et crée une insatisfaction chez l'ensemble des parties prenantes. Autre constatation importante: le système de DRG en Belgique n'en est pas un. "Il ne représente qu'environ 20% à 30% des recettes de l'hôpital. Les DRG sont utilisés à la fois dans le financement du BMF, des médicaments et des honoraires, mais avec des règles qui sont différentes d'une source à l'autre. Le système de classification utilisé provient des États-Unis et tient peu compte des spécificités européennes", soulignent les auteurs du rapport (1). Malgré des principes communs, les modèles de financement basés sur les DRG peuvent varier dans leur architecture et leur déploiement d'un pays à l'autre, précise Antares Consulting. Les consultants ont donc décidé d'analyser dans leur rapport les trois derniers pays européens à avoir implanté de tels systèmes: la France, la Suisse et l'Allemagne. Les consultants pointent trois grandes tendances dans l'évolution des modes de financement des soins de santé. Premièrement, "les nouvelles modalités de financement qui ont émergé ces dernières années se fondent sur une logique qui transfère fortement le risque vers le prestataire, avec pour vocation d'encourager le renforcement du niveau de la prise en charge par l'ensemble de ses acteurs et de réduire les actes évitables."Deuxièmement, "ce transfert des risques aux prestataires induit donc que l'ensemble des acteurs de la prise en charge du patient doivent se coordonner concernant toutes les étapes de sa prise en charge, ce qui conduit à une meilleure efficacité du système, une réduction des coûts et une amélioration de la qualité. Selon le niveau de maturité, ces modes de financement favorisent également l'intégration de stratégies de prévention."Troisièmement, "ces nouvelles modalités engendrent une nouvelle logique, qui est celle de faire bien plutôt que beaucoup. C'est-à-dire l'ouverture au concept de Value-Based HealthCare, qui permet d'orienter la pratique des soins vers les activités qui produisent les meilleurs résultats possibles en matière de santé, c'est-à-dire les plus pertinents pour le patient et pour chaque dépense encourue."Antares Consulting a également analysé le mode de rémunération des professionnels du secteur hospitalier. "Au moment de discuter le modèle de financement hospitalier, il faudra également réfléchir à son alignement avec le système de rémunération des professionnels. Les deux systèmes devraient être clairement séparés, mais avec un alignement fort dans les objectifs et dans la logique sur lesquels ils seront basés."Les auteurs pointent les aspects négatifs du système belge: une rémunération des professionnels orientée au volume, un alignement pervers des acteurs à produire plus, le manque d'harmonisation et de transparence du système de rémunération, la très grande disparité de la rémunération selon la spécialité, un manque de reconnaissance de certaines spécialités et une législation fiscale qui pourrait générer des distorsions. Les auteurs estiment que la rémunération variable des médecins doit se construire sur un socle, pour éviter les fonds dits de solidarité, et qu'elle doit reposer sur d'autres variables qu'uniquement les actes (voir graphique ci-dessous). Pour Antares Consulting, la Belgique doit quitter son mode actuel de financement des soins et suivre la tendance actuelle en développant: les "bundled payments" (2) et le financement intégré de l'activité basé sur les DRG. Pour les auteurs du rapport, "un plan choc" doit être mis en place en Belgique pour rattraper le retard et définir un nouveau modèle de financement étape par étape. "La Belgique est aujourd'hui dans une situation où l'écart entre la complexité des modalités de financement actuelles et les attentes du système obligent à faire un bond en avant, et non pas un demi pas."Notre pays peut s'inspirer des expériences internationales. "Pour rattraper ce retard, il faut donc enclencher une dynamique de changement et de réformes rapides. Dans ce cadre, le passage à un système "all-in" DRG doit être une priorité, tout en initiant parallèlement des projets pilotes avec de nouvelles modalités de financement du type "bundled payments"."Pour réaliser rapidement cette transformation, Antares Consulting estime qu'il faut lancer rapidement trois grands chantiers. Il faut d'abord développer le financement basé réellement sur les DRG, comme socle de base pour les futurs "bundle payments". Cette implantation se fera à partir d'un "shadow system" qui devrait permettre l'adaptation progressive des institutions. Ensuite, il faut préparer les éléments nécessaires pour construire et implanter progressivement les "bundled payments". Pour terminer, il convient d'adapter la régulation (orientée sur les résultats plutôt que sur les structures), les outils et les compétences de tous les acteurs du système de santé. "Ce changement pourrait se réaliser en moins de six ans!", avance Antares Consulting qui propose dans son rapport un calendrier précis pour les trois chantiers. Ce rapport d'une centaine de pages a été présenté par Eduard Portella et Marc Van Uytven, le 30 mars lors d'un symposium virtuel de l'ABDH et de l'Absym réunissant des gestionnaires hospitaliers et des médecins: Paul d'Otreppe, Philippe De Vos, Gilbert Bejjani, Eric Christiaens, Peter Fontaine et Katrien Bervoets. Lors du débat les différents intervenants ont eu l'occasion de répondre aux questions sur le modèle présenté.