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Que demandez-vous aux autorités en priorité ?Patricia Lanssiers, directrice générale : Notre demande principale adressée aux autorités est de continuer à investir dans le secteur de la santé. Il ne faut pas voir la santé que comme un coût, mais plutôt comme un investissement. La santé des citoyens est à la base de l'économie et de l'emploi.Cet apport économique du secteur de la santé à la santé est-il démontrable ? Votre association travaille-t-elle à convaincre les décideurs politiques de cette plus-value ?Dieter Goemaere, coordinateur du groupe hôpitaux généraux et équipe économique : Il est très difficile de démontrer cette contribution ainsi que l'emploi indirect créé par le secteur de la santé. Les hôpitaux généraux emploient plus de 100.000 ETP en Belgique. Quid de l'emploi indirect ? Il faudrait prendre en compte de nombreux indicateurs pour évaluer ce nombre. Il faut, par exemple, tenir compte du fait qu'une personne bien soignée retournera plus rapidement au travail. Gibbis doit travailler davantage pour démontrer le vecteur d'économies que représentent les soins de santé et l'impact sur l'économie et le bien-être des citoyens.P.L. : Notre fédération et ses membres génèrent 14.000 emplois directs.D.G. : Plusieurs études ont montré l'effet multiplicateur de chaque euro investi dans la santé. Selon le Pr Lieven Annemans, 1 euro = 2 euros. Seule l'éducation fait mieux. Le rapport serait de 1 euro = 3 euros.Qu'en est-il de la mise en place des réseaux loco-régionaux à Bruxelles ? La Région bruxelloise semble à la traîne ? Votre fédération estelle inquiète ?P.L. : Notre fédération soutient la création de réseaux hospitaliers mixtes, publics/privés. Avant la fin de la législature précédente, un texte était sur la table de négociation. Nous avions demandé de le modifier, entre autres, les éléments concernant la liberté de pouvoir de décision de l'organe de gestion du réseau. Le texte a été finalement bloqué pour des raisons politiques, indépendantes du secteur de la santé. Nous sommes demandeurs d'un nouveau texte. Nous espérons que le gouvernement va nous permettre de remettre le pied à l'étrier en discutant de la modification du Chapitre XII et du Chapitre XII bis.D.G. : Cela devra être fait pour le 1er janvier 2020, date officielle de la concrétisation des 25 réseaux loco-régionaux.P.L. : Bruxelles attire 35% de patients non-Bruxellois dans ses hôpitaux. Les réseaux bruxellois doivent également prendre en compte les patients qui viennent d'en dehors de la Région bruxelloise, pas seulement 1,1 million de patients "potentiels" bruxellois mais 1,6 million de patients. Un premier réseau s'est affiché regroupant les Cliniques universitaires Saint-Luc, la Clinique Saint-Jean et la Clinique Saint-Pierre d'Ottignies. La concrétisation de ce réseau va demander la collaboration des autorités compétentes: la Cocom, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne. En raison de la date butoir du 1er janvier, un travail important doit être effectué préalablement. En outre, il faut avancer sur les termes de la collaboration entre le public et le privé et les normes d'agrément.D.G.: On peut pointer quelques avancées. L'agrément Cocom au niveau des réseaux a été voté. Les réseaux devront parfois se faire agréer par plusieurs entités fédérées, il faudra dès lors déterminer la base légale qui prévaut. L'idéal sera d'aboutir à un accord de collaboration entre les différentes entités qui déterminent clairement les règles d'agrément, par exemple, en fonction du principe de territorialité ou d'un autre principe.Ces principes ne sont-ils pas déjà définis?D.G.: Les entités fédérées doivent se parler et définir des accords de collaboration.Il faudra dès lors attendre la mise en place des nouveaux gouvernements pour pouvoir négocier ces accords de collaboration.D.G.: Tout à fait.En Wallonie, certains hôpitaux n'ont pas attendu le vote du décret De Bue pour constituer des réseaux entre hôpitaux publics et privés.D.G.: En effet, il y a déjà des déclarations d'intention en Wallonie et en Flandre.Les hôpitaux bruxellois sont-ils plus frileux ?P.L.: Je ne crois pas. Il y a déjà eu une déclaration d'intention à Bruxelles.D.G.: A Bruxelles et en Wallonie, les discussions ont démarré un peu plus tard qu'au Nord du pays. Avec la date butoir du 1er janvier 2020, tout le monde est désormais en réflexion et en discussion.Votre fédération est-elle favorable depuis le début au concept des réseaux hospitaliers locorégionaux?P.L: Gibbis est favorable à la mise en place de réseaux permettant aux hôpitaux publics et privés de travailler ensemble.D.G.: Déjà en 2016, nous avions publié avec les hôpitaux Iris un "position paper" déclarant notre intérêt pour le concept des réseaux pour autant évidemment que l'on puisse tenir compte de certaines spécificités bruxelloises. Nous avons introduit deux éléments importants dans la loi pour soutenir cette exigence: la possibilité de travailler de façon transrégionale, ce qui n'était pas évident au départ, et la possibilité de faire se chevaucher les réseaux au niveau des grandes villes parce que la situation de l'offre et de la demande y est particulière en raison de la mobilité et de la densité de la population. Dans ce dossier, nous avons été positifs et constructifs. Nos propositions ont été entendues à plusieurs niveaux de pouvoir, par exemple, le fait de supprimer le nombre de 450.000 de patients comme base du réseau.P.L. : La prochaine étape importante pour nous est l'autonomie de gestion de l'organe de gestion du réseau.Vous réclamez dans votre mémorandum une stabilité budgétaire. Est-ce un voeu pieu?P.L. : La prévisibilité budgétaire sur plusieurs années est capitale pour le secteur hospitalier. C'est terriblement compliqué de gérer une institution de soins sans avoir une prévisibilité budgétaire. C'est vrai également pour les projets innovants. Nous souhaitons également avoir une norme de croissance qui permette de prendre des initiatives importantes pour l'avenir. La digitalisation est un exemple. Elle est indispensable pour l'implémentation des solutions d'avenir, entre autres la collaboration entre l'hôpital, son amont et son aval. Le besoin d'investissement financier dans l'informatique n'est actuellement pas du tout garanti. Une cinquantaine de millions d'euros ont été débloqués pour l'informatisation hospitalière mais ce montant ne suffit pas. Le coût informatique des hôpitaux a été estimé à 500 millions. Une norme de croissance de 1,5% sur l'ensemble du budget des soins de santé de 25milliards, cela représente 380 millions d'euros. Il y a donc une forte tension pour fixer les priorités.D.G.: Il est d'autant plus important d'augmenter la norme de croissance que la situation financière des hôpitaux n'est pas bonne, comme l'a montré le dernier rapport Maha. Le résultat courant moyen des hôpitaux stagne à 0,2% du chiffre d'affaires. Pour pouvoir réussir les réformes, qui sont voulues par le terrain, il faut établir un pacte de stabilité entre les autorités et le secteur hospitalier. La situation ne sera pas plus facile mais cela permettra d'avancer.