...
" Je suis intimement convaincue que la gouvernance est un des facteurs-clés de la réussite d'une organisation ", commente Hadewig De Corte, directrice de la Clinique Saint-Jean (Bruxelles) et membre depuis des années de Guberna (l'institut belge des administrateurs). " Suite à des mauvaises décisions reprochées à certains mandataires siégeant dans des structures de soins, on recommande actuellement de professionnaliser les conseils d'administration. Il ne faut pas en faire de trop pas sans avoir eu au préalable une réflexion approfondie sur la gouvernance. Il ne faudrait pas imposer de nouvelles règles qui ne solutionneraient pas les véritables problèmes de gouvernance. "La gouvernance d'une organisation, rappelle Hadewig De Corte, s'exprime au travers de trois organes : l'assemblée générale (AG), le conseil d'administration (CA) et le comité de direction. " Ces organes n'ont pas les mêmes rôles. L'AG est constituée des membres qui sont les fondateurs, les actionnaires de base. Ils ont des compétences limitées décrites par la loi. Une de leur responsabilité est la désignation du CA. Le CA a principalement trois rôles : il définit la stratégie, met en place l'équipe de leadership et contrôle l'exécution de la stratégie. Le comité de direction est responsable de l'exécution et la gestion journalière. Sur papier, cette répartition des tâches est relativement simple. Les problèmes commencent lorsqu'on commence à mélanger les différents rôles. Lorsqu'un administrateur est nommé, même si c'est une désignation liée à une structure politique ou associative, il a une responsabilité personnelle par rapport au bien-être de l'organisation qu'il représente. C'est d'ailleurs pour cela que l'administrateur est assuré au niveau civil. Le conseil d'administration doit toujours avoir un mode de fonctionnement collégial. Un administrateur doit donc être solidaire par rapport aux décisions prises par le CA. Un administrateur nommé par un parti qui ferait primer les intérêts de son parti sur ceux de l'organisme qu'il co-administre commet une erreur en tant qu'administrateur. Dans ce cas, on est en présence d'un véritable conflit d'intérêt qui nuit à l'institution. À mon sens, il serait également inimaginable qu'une personne qui est administrateur dans un hôpital vende un service ou des biens, par l'intermédiaire de sa société, à l'hôpital. Pour prendre un autre exemple, un consultant ne peut pas être à la fois administrateur d'un hôpital et avoir une activité rémunérée de consultance pour le même hôpital. "Hadewig De Corte estime également que le CA d'un hôpital doit être diversifié dans sa composition (juriste, soignant, gestionnaire financier...) et comprendre un minimum de membres qui sont indépendants de la structure. La directrice générale recommande aussi qu'un tiers des membres du CA d'un hôpital soit des médecins. " Le conseil d'administration doit avoir des compétences médicales en son sein. Il doit connaître le " service " que l'institution délivre. Idéalement les administrateurs-médecins n'exercent pas dans l'institution. Les médecins de l'institution ont d'ailleurs leur propre organe de gouvernance, le Conseil médical, avec toute une série de compétences stipulée par la loi hospitalière au travers duquel ils peuvent exprimer leurs voix et donc cogérer l'hôpital. "La directrice générale insiste également sur la représentation des femmes dans les organes de décision. Une enquête réalisée par le jdM en 2017 (jdM n°2486) avait montré que les femmes sont encore minoritaires dans les CA, Conseils médicaux et aux postes de cheffes de service." La gouvernance est un moyen de réussite d'une organisation et non pas un but en soi. Il ne faut donc pas imposer trop de règles rigides sur la composition du CA parce qu'il faut le composer toujours en fonction des priorités et de la stratégie de l'institution ", commente la directrice générale de la Clinique Saint-Jean.Pour Hadewig De Corte, le bon administrateur hospitalier doit au moins répondre à trois critères. Premièrement, il doit bien connaître son rôle au niveau de la gouvernance et la gouvernance spécifique du secteur hospitalier, par exemple le rôle du Conseil médical. Deuxièmement, il doit bien connaître l'hôpital où il exerce un mandat et le secteur hospitalier. " Cette information peut se faire en suivant des formations à l'extérieur ou à l'intérieur de l'hôpital ", précise la directrice générale. Troisièmement, " l'administrateur doit avoir un sens critique et constructif. Il doit soutenir l'ensemble de l'équipe. ".La rémunération de l'administrateur doit être raisonnable. " Pour fixer cette rémunération, il suffit de consulter les données que l'on trouve dans le benchmarking pour les secteurs marchand et non-marchand. Même si certains dénoncent des abus au niveau de la rémunération des administrateurs, il ne faudrait pas pour autant décider de ne pas les payer. Souvent, les émoluments couvrent à peine les responsabilités assumées par les administrateurs. Il faut rétribuer les animateurs en tenant compte du marché. "