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"Si on ne réalise pas 75 interventions sur trois ans, on doit fermer notre centre. Or, nos chiffres sont bons", réagit Florence Hut, directrice médicale du Chwapi. "Nous ne comprenons donc pas pourquoi le ministre veut fermer notre centre de chirurgie complexe de l'oesophage. D'autant plus que notre centre est le seul dans le Hainaut et couvre une population de 1,3 million d'habitants qui est défavorisée socialement et ne va certainement pas se déplacer à Bruxelles ou à Namur pour se faire soigner. N'oublions pas que le cancer de l'oesophage est une pathologie sociale, liée à l'alcool et au tabagisme. Le Hainaut est la province dans laquelle l'incidence du cancer de l'oesophage est la plus élevée et le diagnostic est le plus tardif." La directrice médicale du Chwapi souligne également qu'il est fort dommage pour l'hôpital de supprimer son centre parce qu'il a généré une dynamique pluridisciplinaire, mobilisant de nombreuses compétences - de celles du chirurgien à celles de l'assistante sociale - et pouvant servir de modèle pour mettre sur pied d'autres projets hospitaliers. Elle ajoute de vives inquiétudes sur la démobilisation des équipes qui se sont investies dans ce programme et se sont formées pour obtenir une expertise spécifique. Le Dr Fonck, députée (Les Engagés), a demandé à la Chambre au ministre de geler cette décision de retrait des conventions pour ces centres, de réévaluer dans un an à la fois le nombre d'interventions et de tenir compte, sur le plan qualitatif, de l'amélioration de la mortalité, et donc de la qualité des soins offerts à ces différents patients souffrant d'un cancer très sévère. La députée Sophie Rohonyi (DéFi) a également interpellé Frank Vandenbroucke: "Soutenez-vous le fait que les centres obtenant de bons résultats soient pénalisés uniquement en raison d'un nombre trop faible de procédures? La pertinence de ce critère sera-elle réévaluée? Dans l'affirmative, par qui et dans quel délai? Dans la négative, pourquoi? Dans l'attente d'une telle évaluation, vous engagez-vous à rencontrer les responsables des centres concernés et à soutenir leur demande légitime d'obtenir un sursis d'un an pour parvenir au chiffre demandé?" "Selon la Fondation registre du cancer, pour que l'évaluation de la qualité de la chirurgie de l'oesophage dans un centre soit statistiquement significative, il fallait que les centres atteignent le nombre de 75 prestations sur une période de trois ans. C'est pourquoi l'article 8 de la convention prévoit qu'à l'issue de la période de trois ans, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2022 inclus, les centres qui n'atteignent pas le nombre de 75 interventions ne peuvent plus participer à la convention jusqu'à l'évaluation finale attendue pour septembre 2023. Toutefois, une période transitoire de quelques mois jusqu'à fin septembre est prévue pour eux afin qu'ils puissent encore traiter, selon les conditions de la convention, les personnes chez qui ils ont posé un diagnostic. Une fois l'évaluation finale disponible, le Comité de l'assurance statuera sur la poursuite de la convention dans sa forme actuelle ou dans une version adaptée", a répondu le ministre de la Santé. Il estime qu'il est difficile de procéder d'une autre façon. "À un certain moment, il faut se dire: maintenant, on commence une étape qui est aussi une étape d'évaluation, en ayant des pratiques donnant lieu à une évaluation sur la base de données permettant des évaluations significatives." Notons que, selon Florence Hut, directrice médicale du Chwapi, la littérature internationale ne fixe pas un objectif de 25 interventions par an, mais bien un objectif de 20 interventions annuelles pour désigner des centres à haut volume de chirurgies complexes de l'oesophage. Le ministre a répondu négativement à la demande des députées d'évaluer la situation et de suspendre temporairement la convention. "En effet, les règles du jeu valent pour tous les hôpitaux, y compris ceux qui ont réussi à atteindre les chiffres minimaux requis. Il faut donc respecter un certain level playing field et continuer à appliquer la convention telle quelle", a déclaré Frank Vandenbroucke. Catherine Fonck a fait part de son incompréhension face à cette décision. "Je vous avoue que je ne comprends pas votre refus d'envisager un gel. Je ne vous demande pas un gel pour dix ans. Ce n'est pas non plus comme si on avait 50 centres puisqu'on en compte dix au total. Je continue à plaider en faveur d'un gel pour l'année qui arrive et d'une analyse qualitative. Le rapport du KCE (1) ne faisait pas seulement état d'un critère en termes de chiffres ; il indiquait également qu'il était vital de prendre en compte les critères qualitatifs. Ceux-ci n'ont pas été pris en considération dans la convention, ce que je peux comprendre puisqu'on était au début du processus. Mais ne pas considérer aujourd'hui que ces réalités doivent absolument être prises en compte, c'est passer à côté du travail mis en place par des experts, des équipes. Celles-ci doivent être maintenues. Vous savez que si ce travail est suspendu, cela sera définitif et on ne pourra pas revenir en arrière. Monsieur le ministre, je vous demande de reconsidérer votre position en la matière."La députée Rohonyi a également réclamé un sursis pour ces trois centres parce que, malgré la période transitoire prévue dans la loi, ils ne peuvent plus continuer à pratiquer puisque les interventions ne sont plus remboursées. "Je vous demande également de veiller à un équilibre entre les trois Régions ; aujourd'hui, on se retrouve avec sept centres et non plus dix dont un à Bruxelles, quatre en Flandre et seulement deux pour toute la Wallonie, alors que le territoire est nettement plus grand. La conséquence concrète, c'est qu'on limite l'accès aux soins des patients qui devront se faire opérer dans une autre province alors qu'ils sont déjà très fragilisés par leur maladie."Par ailleurs, le Dr Hut souligne que les résultats globaux sur l'ensemble des dix centres n'ont pas montré une amélioration significative des résultats en trois ans. Ce qui pose la question de l'intérêt de concentrer la chirurgie complexe de l'oesophage dans un nombre limité de centres spécialisés. "Plutôt que de fermer les centres qui n'ont pas atteint les objectifs chiffrés, les autorités devraient plutôt se demander pourquoi la concentration des interventions n'a pas permis d'atteindre les objectifs visés. Et pourquoi certains centres qui ont atteint le seuil ont de mauvais résultats." La balle est dans le camp du ministre.