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JM-Hospitals: Pour ce poste stratégique ouvert depuis 2018, vous auriez terminé premier à la sélection du Selor... Vos compétences ne sont donc pas à remettre en question. En quoi cependant avoir été "cabinettard" de l'ancienne ministre de la Santé Maggie De Block peut aider à prétendre à de telles hautes fonctions? B.V.D.: Il n'est pas vrai que ces postes sont réservés aux "cabinettards", si c'est ce que vous voulez dire. Si tel était le cas, le Selor n'aurait probablement cherché son candidat après trois procédures au- dessus du cercle polaire. Il est bien sûr vrai que pendant mon mandat ministériel entre 2011 et 2016, j'ai appris beaucoup de choses sur lesquelles je peux m'appuyer lors de la sélection et de l'exercice de mon mandat. En fait, vous passez par une courbe d'apprentissage extrêmement raide dans un cabinet. Cela a tout à voir avec la quantité d'informations que vous devez traiter en un court laps de temps et le niveau des personnes avec lesquelles vous êtes en contact quotidiennement. Vous êtes presque littéralement au sommet de la pyramide de l'information. Outre le contenu, vous apprendrez également à élaborer des initiatives politiques, à concevoir des réformes, à négocier des budgets, à trouver des solutions créatives, à faire des compromis, à concilier des points de vue et à gérer des administrations. En soi, ce n'est pas si différent de ce que je fais aujourd'hui, sauf que mon travail est davantage axé sur la "gestion", alors que dans un cabinet, l'accent est mis sur la politique. L'aspect politique est commun à tous, et pour moi, c'est l'aspect le plus important et la raison pour laquelle j'ai voulu revenir dans le secteur public. Je suis un vrai passionné de politique, et cela plaît à la fois à une administration et à un cabinet. Cela fait maintenant quatre mois et demi que je suis directeur général du département des soins de santé de l'Inami et je suis chaque jour agréablement surpris par la polyvalence de ce travail. Mon mandat couvre tellement de dimensions que je ne peux imaginer m'ennuyer un jour. Outre les affaires courantes et la poursuite de l'orientation des grandes réformes, telles que la nomenclature, je me suis fixé deux grandes priorités pour cette année. Sur le plan du contenu, j'ai mis le paquet sur le cadre budgétaire pluriannuel basé sur des objectifs de soins de santé (ndlr: lire ci-dessous). Pendant cette législature, nous célébrons le 60e anniversaire de la Loi Leburton (1963) et des Accords de la Saint-Jean (1964) qui ont jeté les bases de l'assurance maladie et de la concertation "médico-sociale" telles que nous les connaissons aujourd'hui (basées sur des négociations sectorielles). Cela a bien fonctionné pendant longtemps. Cependant, la démographie et les soins de santé ont fondamentalement changé au cours des 60 dernières années: en raison du vieillissement de la population, l'un des principaux défis est de continuer à offrir les meilleurs soins possibles aux patients chroniques et avec comorbidité. Cela nécessite une mise à jour des instruments politiques et des processus utilisés, facilitant une approche intégrée et transversale si nous voulons remodeler l'assurance maladie pour les 60 prochaines années. Non seulement une nouvelle architecture de l'assurance-maladie doit nous permettre de mieux relever les défis de l'avenir, mais le schéma directeur du Service des soins de santé doit également être redessiné si nous voulons pérenniser un système d'assurance-maladie orienté vers le patient, de qualité et durable pour l'avenir, dans lequel les prestataires de soins continuent de donner le meilleur d'eux-mêmes. Et la deuxième priorité? Gérer le service lui-même et mettre en place une réorganisation mieux adaptée aux grands défis des 10-20 prochaines années. Mais une telle réorganisation est également nécessaire pour mieux faire face à une charge de travail toujours plus importante. Savez-vous que sur l'ensemble des impôts et des cotisations sociales prélevés dans notre pays, mon département, fort de 370 personnes, dépense près d'un euro sur six? En Belgique, seul le service des pensions dispose d'un budget plus important pour les affectations. Aux 35 milliards d'euros que le Service des Soins de santé gère déjà aujourd'hui, s'ajoutera un milliard d'euros supplémentaire chaque année à partir de 2022. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'effort fourni par de nombreux fonctionnaires de l'Inami, mais aussi du SPF Santé publique, de l'AFMPS, de Sciensano, des entités fédérées, etc. depuis le début de la crise il y a 14 mois. Kurt Van Eeghem l'a bien exprimé dans un récent article d'opinion: "Nos collègues n'ont pas de week-ends (...). Non seulement ils sont constamment sur le qui-vive, mais ils sont aussi en alerte permanente." Une grande attention est accordée, à juste titre, aux prestataires de soins de santé qui donnent le meilleur d'eux-mêmes, jour après jour, depuis si longtemps, afin de faire face à la pandémie. Mais n'oubliez pas les centaines d'experts et les milliers de membres du cabinet et de fonctionnaires à tous les niveaux. Loin des projecteurs et sans perspective de primes ou de reconnaissance d'aucune sorte, ils sacrifient soirs, nuits, week-ends et jours fériés, il faut bien le dire. Vous êtes trentenaire, économiste et libéral et vous succédez à la Direction des soins de santé de l'Inami à Ri De Ridder, septuagénaire, médecin, socialiste et fondateur, à Gand, de la première maison médicale flamande. Quelle transition! Que peut apporter un "libéral" à une "grosse machine", bras armé d'un système de soins de santé plutôt bismarckien? Ri a accompli un nombre incroyable de choses au cours de sa carrière et, il faut bien l'admettre, il est un peu intimidant de lui succéder. Il est clair qu'un changement de génération est en train de se produire. Au niveau du seul Inami, au moins quatre des six fonctions de direction auront changé de mains dans moins de six mois. Ajoutez à cela le récent déménagement et la fusion des trois grandes administrations de soins de santé, le Covid et la nouvelle méthode de travail, un nouveau gouvernement jeune et diversifié et, une fois de plus, un ministre très réformateur, et vous voyez immédiatement que cela offre beaucoup d'opportunités. Ce ne sera pas facile, mais quelles que soient les personnes assises sur ce fauteuil et leurs préférences idéologiques, elles devront toujours essayer de concilier des croyances et des intérêts différents. En tant que pluraliste convaincu, je trouve fascinant d'essayer de relier des personnes de différentes convictions et de les enthousiasmer pour un objectif commun. En tant que partisan de "la cause publique", la loyauté est un élément central dans l'exécution de mon mandat. Le 19 octobre 2020, le Conseil général de l'Inami a approuvé le budget des soins de santé 2021. Il prévoyait une perspective budgétaire pluriannuelle dans le cadre également d'un décloisonnement budgétaire. Une révolution en soi. Depuis le 1er mars, la Road Map vous place comme chef de projet du comité scientifique de la task-force ad hoc. Comment voyez-vous vos missions? Je n'oserais pas dire que je suis le patron du Comité scientifique. Toute personne qui travaille avec des scientifiques sait qu'ils auraient du mal à accepter cela! Le professeur Schokkaert de la KUL est le président du comité et j'essaie de le soutenir dans son rôle important. Toutefois, ce n'est un secret pour personne que le cadre budgétaire pluriannuel fondé sur les objectifs en matière de soins de santé me tient à coeur. Un certain nombre de bases essentielles ont été posées au cours de la législature précédente, comme les indicateurs compilés sur le très bon site web healthybelgium.be, que nous avons contribué à concevoir avec nos collègues du KCE. Il s'agit maintenant de traduire cela en un processus budgétaire opérationnel, pluriannuel et plus transversal, fondé sur des priorités stratégiques à moyen terme. Il s'agit d'un projet particulièrement ambitieux dans lequel j'investis beaucoup de temps et de ressources, et je contribue à assurer la coordination générale via le groupe de pilotage, le comité scientifique et le Bureau.