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Avec une accréditation niveau Or brillante, puisque 96,7 % des critères de niveau Or et mais aussi 97 % des critères de niveau Platine ont été validés, à l'issue du deuxième cycle de son accréditation par ACI (Accreditation Canada International), l'Huderf entame 2023 sous les meilleurs auspices. Désormais niché au sein de l'Hôpital universitaire de Bruxelles (H.U.B.) aux côtés de l'Institut Bordet et de l'Hôpital Erasme, l'Hôpital des Enfants se réjouit de cette "stratégie d'amélioration continue" que nous détaillent Anna Groswasser, directrice générale adjointe de l'HUB, et le Dr Jean-Christophe Beghin, médecin-chef. Le journal du Médecin: Vous affichez un très bon score, supérieur même, au niveau Platine... Rappelez-nous comment l'on accède aux différents niveaux Or, Platine et enfin Diamant? Anna Groswasser: Jusqu'au 31 décembre 2022, pour prétendre au niveau supérieur, Platine dans notre cas, il fallait au préalable obtenir 100% au niveau inférieur (Or). Une autre pondération des critères détermine le niveau Platine ou Diamant pour les hôpitaux qui reçoivent leur visite d'accréditation à partir de janvier 2023. Pas moins de 2.369 critères ont été examinés pour le renouvellement de votre accréditation pour trois ans... A.G.: Les référentiels d'ACI couvrent toute l'organisation de l'hôpital, du fonctionnement du CA jusqu'au travail en unités de soins, et touchent toutes les couches du processus, de la gouvernance aux cliniques, en passant par le support comme la pharmacie et les laboratoires. Il y a un référentiel par type d'activité, où l'on retrouve des critères classés par thématique avec, pour chaque, les niveaux Or, Platine et Diamant et trois pondérations différentes: les critères classiques, les critères haute priorité et les POR - pratiques organisationnelles requises. Les POR doivent toutes être rencontrées car ce sont les mécanismes les plus à même de répondre aux risques majeurs liés aux soins des patients au sein de l'hôpital (identitovigilance, hygiène des mains, médicaments à haut risque, abréviations interdites, etc.). Ces POR doivent être appliquées de façon transversale et uniforme dans toute l'institution.Les référentiels changent régulièrement, ils ont évolué depuis notre premier cycle démarré en 2016 et ACI est allé un cran plus loin pour l'Or. Pour nous, ce deuxième cycle était donc déjà un challenge. On a consolidé des bases - ce qui est déjà un travail en soi - et assuré pour les éléments supplémentaires.Jean-Christophe Beghin: ACI évalue les trois niveaux - Or, Platine et Diamant - dans tous les critères. On peut donc entamer la procédure pour être accrédité Or... mais espérer être accrédité Platine si tous les critères sont bien respectés. Toutefois, si on ne répond pas aux POR, même si on a de très bons scores à côté, on n'obtient pas le niveau.Comment se déroule une visite d'accréditation? A.G.: C'est évidemment différent selon que l'on se trouve dans un premier ou deuxième cycle. Dans ce deuxième cycle, nous n'avons pas eu la visite dite de "Gap analysis" qui permet au début du processus d'avoir une photo de la situation de l'hôpital avant d'enchaîner des cycles de trois ans pour mettre en place des plans d'action pour répondre au niveau pour lequel on postule. Par contre, nous avons maintenu la pré-visite, une sorte d'examen à blanc avant la visite certificative, qui permet de mesurer le trajet accompli et le chemin encore à parcourir, tout en ayant une échéance. La crise sanitaire a-t-elle modifié la donne? A.G. : On a un peu mis entre parenthèses tous les projets car on était focalisés sur la gestion du covid, mais la façon dont nous avons géré cette expérience a permis de démontrer la conformité d'une série de critères. Ensuite, comme dans tous les hôpitaux, on a senti une certaine lassitude et il a fallu remobiliser les équipes, mais ça s'est fait sereinement et, la preuve, on y est arrivé, les résultats sont là (sourire). Ce qui est important, c'est d'expliquer pourquoi on s'engage dans des processus d'accréditation et d'y donner du sens : s'investir dans une démarche d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité, l'accréditation étant un outil structurant pour y arriver et mesurer la progression.J.-Ch.-B.: On ne partait pas de zéro, beaucoup d'habitudes étaient déjà bien ancrées dans les équipes et on a vu que ça fonctionnait. L'objectif n'est pas d'être très bon pendant une semaine pour la visite d'ACI, puis de tout laisser tomber pendant trois ans. Le covid - ou tout autre grosse difficulté qui peut survenir dans un hôpital - est un challenge pour se dire: "Est-ce qu'on arrive encore à faire tout ce qu'on a mis en place?" "Qu'est-ce qui bloque quand on sort de sa zone de confort?" C'est là tout l'intérêt d'un processus d'accréditation: on a des automatismes, on sait ce qu'on doit faire et quand on est malmenés, on peut reprendre pied en faisant les choses comme elles sont prévues. L'accréditation permet aussi de passer d'une transmission du savoir qui est souvent orale, à une transmission écrite car beaucoup de procédures sont dans notre bibliothèque "électronique". Il est facile de retrouver l'info, stockée à un seul endroit, pour tout le monde, et mise à jour régulièrement. Un exemple de procédure mise en place dans le cadre de l'accréditation et qui s'est révélée particulièrement pertinente pendant la crise ?A.G. : Oui, tout ce qui concerne le plan d'urgence hospitalier : nous avons démontré une capacité à vite réorganiser l'hôpital, ainsi que les modes de prise de décisions, plus rapides et opérationnels (flux de patients aux urgences, dispatching des unités, etc.).Quelles sont les spécificités de l'accréditation pour un hôpital pédiatrique? J.-Ch.B.: Certains référentiels ne sont pas évalués chez nous - par exemple, tout ce qui concerne la femme enceinte ou les isotopes radioactifs que nous n'utilisons pas. Par contre, certains nous parlent davantage, comme la prévention des chutes: toujours bien remonter les barreaux des lits des tout-petits, ramasser les jouets qui traînent par terre... Nous adaptons donc davantage ces référentiels à notre pratique. Car il ne s'agit pas d'une 'simple' application: à nous de chercher le principe, la philosophie derrière ce référentiel (protection du patient? du personnel soignant? ) afin de voir comment l'appliquer à notre propre pratique en toute logique et à long terme. S'il faut faire un kilomètre pour assurer un référentiel, le risque d'abandon est grand. Parfois, on se demande si certains référentiels canadiens sont bien adaptés à la Belgique mais en réalité, ça nous oblige à réfléchir. C'est aussi l'objectif de l'accréditation : à un moment donné, dans l'effervescence du quotidien, se dire : "on va prendre une heure pour mettre tous les métiers autour de la table et discuter, voir ce qui ne vas pas et comment faire mieux".L'accréditation ACI touche-t-elle aussi à l'oncologie pédiatrique? A.G.: Oui pour l'unité d'hospitalisation et l'unité de jour, mais une partie de l'activité (les greffes de cellules souches hématopoïétiques) dépend d'une autre accréditation, Jacie, plus spécifique, liée à son agrément. Cette accréditation très pointue, commune avec l'Institut Jules Bordet, devra être renouvelée en 2024. Il y a aussi une accréditation spécifique pour les Centres intégrés de lutte contre le cancer - OECI pour l'Institut Jules Bordet, que nous avons décidé d'étendre aux trajets de soins entre l'Huderf et l'Institut Jules Bordet, vu notre rapprochement au sein du HUB. Tous ces systèmes d'accréditation permettent de se challenger et d'échanger de bonnes pratiques en se comparant à des critères reconnus internationalement comme des standards de haute qualité, et pour nous d'aller comparer nos pratiques à celles d'autres hôpitaux d'enfants et d'adolescents accrédités dans le monde. C'est vraiment intéressant et ça nourrit la démarche d'amélioration continue.Quel est l'impact de l'accréditation sur le personnel? Y a-t-il certaines résistances? Cela aide-t-il au recrutement? A.G. Le corps médical est souvent le plus difficile à convaincre, mais il est ensuite le premier à mettre spontanément en avant le fait de travailler dans un hôpital accrédité. Quand on a des présentations entre direction et chefs de service, on remarque que beaucoup de chefs de service mentionnent spontanément l'accréditation de notre hôpital c'est donc qu'il y a une certaine fierté (sourire). J. -Ch.B: Ce fut assez frappant et cocasse de voir, lors de la visite d'ACI, une certaine déception dans les équipes qui auraient voulu que... ça dure plus longtemps! Au final, c'est une belle récompense, que l'on fête. A.G. Mais l'objectif ne s'arrête pas là, nous entamons déjà les réunions pour la prochaine session pour voir si l'on repart sur l'Or ou si nous visons le Platine. Au niveau du recrutement, c'est un label de qualité reconnu et un critère de choix qui rassure le personnel soignant, notamment ceux qui viennent de l'étranger.J. -Ch.BDans un processus d'accréditation, il faut impliquer tous les métiers. C'est une chaîne, la plupart des processus dans un hôpital ne reposent pas sur les épaules d'une seule personne ou d'un seul métier. Les médecins, tout comme les infirmières, le personnel administratif, les paramédicaux, etc. sont invités à nous dire s'ils ne sont pas convaincus de l'utilité de certaines choses et on en discute. Le stade suivant sera l'implication du patient dans l'élaboration de trajets de soin, de thématiques plus générales en lien avec le fonctionnement des services, le tout en réflexion avec les équipes. C'est essentiel pour confronter leurs besoins à nos pratiques, pour continuer à évoluer, et aussi monter vers les niveaux Platine et Diamant. Et dans votre cas, il s'agit de "petits" patients... J.-Ch.B.: Chez nous, c'est toujours une histoire de triangulation, les soignants encouragent les patients à être partenaires de leurs soins dès le plus jeune âge, mais incluent également les parents qui occupent une place primordiale dans la prise en charge des enfants. Par exemple, en hospitalisation, un parent reste toujours avec l'enfant, c'est un facteur dont il faut tenir compte, notamment en matière architecturale quand on fait de nouvelles chambres. Et cela fait partie des critères d'accréditation, tout comme les heures et conditions de visite, l'accessibilité, l'information dans la prise de décision... Et la gestion de l'agressivité? A.G. : La prévention de la violence fait partie des fameuses POR au niveau Or.J.-Ch.B.: La pression sur le personnel hospitalier est fort importante, comme partout, et le personnel n'est pas en surnombre, ce qui n'aide pas à rester zen. Nous avons mis en place un "baromètre de la violence" au sein de l'hôpital et des processus pour la limiter au maximum et offrir un accompagnement adapté au personnel. Le stress engendre la violence et donc certains services y sont plus soumis, comme les urgences. Un gros soutien psychologique est d'emblée mis en place pour les parents dont les enfants sont atteints de maladies chroniques ou dans les unités intensives.