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En 2020, un hôpital sur trois était dans le rouge. En 2022, ils sont deux fois plus, alerte Margot Cloet, administratrice déléguée de Zorgnet-Icuro. La structure faîtière flamande des institutions de soins estime les dépenses supplémentaires de tous les hôpitaux belges cette année à environ un demi-milliard d'euros par rapport à 2019, la dernière année de fonctionnement normal (pré-Covid-19). Selon les estimations, la situation devrait encore empirer en 2023. Depuis la mi-2021, les prix du marché ont déjà fortement augmenté. Le gazoduc Nord Stream 1 russe, qui approvisionne une bonne partie de l'Europe, ne fournit aujourd'hui plus qu'à 20% de ses capacités, du fait du jeu géopolitique du président russe Vladimir Poutine. Cette disette imposée n'est pas prête de se terminer, au risque d'épuiser les réserves européennes plus vite que prévu pendant la saison froide. Tout le monde sent les conséquences de la crise énergétique, des familles aux grandes entreprises. Le secteur des soins n'est pas épargné. Les dépenses énergétiques supplémentaires ne constituent pas le seul problème. Selon Zorgnet-Icuro, l'impact de la hausse d'énergie touche aussi fortement des secteurs essentiels tels que la blanchisserie et l'alimentation, au point de voir la facture des fournisseurs augmenter de 10 à 15% en moyenne chaque année. L'administratrice déléguée ajoute que dans de nombreux hôpitaux en 2023, certains contrats qui les lient à des fournisseurs arrivent à terme. En d'autres mots, il n'est pas exclu que les futurs tarifs augmentent eux aussi. Les hôpitaux ne reçoivent pour cela aucun moyen supplémentaire, puisque le budget des moyens financiers (BMF) des autorités fédérales reste une enveloppe fermée, indépendamment des frais réels d'un hôpital. Le coût de la crise énergétique met la viabilité financière des hôpitaux en péril, mais aussi les sauts d'indexation successifs des salaires du personnel. Entre septembre 2021 et aujourd'hui, les salaires ont augmenté de 10,4%. Les rétrocessions liées aux honoraires, qui représentent, au-delà du BMF, l'autre grande source de revenus des hôpitaux, n'ont par contre augmenté que de 3%. Les directions hospitalières vont-elles négocier avec les Conseils médicaux pour augmenter les rétrocessions liées aux revenus des médecins? Margo Cloet : "Jusque fin avril 2023, les suppléments ne peuvent plus augmenter, comme en a décidé le ministre Vandenbroucke, mais dans cette limite fixée, des négociations sont toujours possibles pour augmenter les rétrocessions."L'intéressée n'est pas au courant d'une telle initiative dans les hôpitaux, mais n'exclut pas cette option dans le futur. Elle entrevoit bien sûr les conséquences pour le médecin. "Ceux-ci perdent aussi en pouvoir d'achat. Il est difficile de leur demander en plus de céder encore plus sur leurs honoraires." Et répercuter ces pertes sur le patient ne constitue évidemment pas une option. Zorgnet-Icuro appelle les autorités du pays à s'occuper de la viabilité financière des organismes de soins, de sorte qu'ils puissent garder la tête hors de l'eau tout au long de cette crise et continuer à administrer des soins de qualité." L'organisation avance ainsi deux fenêtres d'action possibles. La première: prévoir un budget supplémentaire hors BMF. "La part prévue pour la facture énergétique est insuffisante", déplore Margot Cloet. Ensuite, l'organisation demande de ramener la TVA à 6% pour l'électricité, comme c'est déjà le cas pour les ménages jusqu'au 31 mars 2023. Depuis le 1er juillet 2022, la baisse de TVA sur le gaz s'appliquent également aux hôpitaux, aux maisons de soins et autres établissements disposant d'installations collectives de chauffage. "Nous savons également que les moyens alloués par les autorités ne sont pas intarissables", constate Margot Cloet. "Hôpitaux ou institutions de soins sont prêtes à mettre la main à la pâte, en investissant plus vite dans l'énergie renouvelable par exemple: couvrir les parkings des hôpitaux et des maisons de soins pour y placer des panneaux solaires par exemple, ou investir dans l'énergie éolienne. Les organisations de soins disposent d'une infrastructure qui offre de réelles possibilités."La fédération demande donc que soient mis en place des incitants, sous la forme de prêt à taux zéro par exemple. Elle remet aussi en cause ces procédures d'approbation qui "prennent du temps", tout comme les écarts entre régions. Autant d'obstacles à franchir. Dans un même temps, Margo Cloet reconnait qu'il s'agira souvent de projets (et donc de solutions) à long terme. "Bien qu'il devrait être possible de placer des panneaux solaires en six mois." Ces mesures à long terme sont nécessaires, poursuit la cheffe de Zorgnet-Icuro. "Les hôpitaux sont des gouffres énergétiques. Il faut être capable de prendre, à terme, des mesures d'une part moins coûteuses et qui nous rendent moins dépendants de la situation mondiale."Toujours selon Zorgnet-Icuro, les pouvoirs publics seraient prêts à chercher des solutions, "mais la réalité budgétaire nous est présentée avec beaucoup de pessimisme. Les regards sont aussi tournés vers l'Europe. Fin septembre, nous espérons disposer d'outils concrets pour se mettre au travail."Ce n'est pas trop tôt. Les hôpitaux se serrent la ceinture, poursuit l'administratrice déléguée. "Certains reportent les investissements: travaux d'entretien des bâtiments, petites transformations. Les véhicules sont également gardés plus longtemps en service... Le tout pour conserver le confort et la qualité des soins."