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"Cela fait plusieurs mois que nous travaillons sur ce dossier", explique Stephan De Mul, président du collège et député provincial en charge de la Santé. "La crise du Covid-19 a mis en lumière l'importance que revêt le métier d'infirmier. Des avancées sont à l'ordre du jour mais la pénurie est toujours présente. Elle est tant quantitative que qualitative."Le nombre d'infirmiers par habitant en province de Luxembourg est relativement faible: 2.714 infirmiers actifs pour 284.638 habitants, soit 9,5 infirmiers pour 1.000 habitants, alors que l'ensemble du pays en compte 11,2 pour 1.000 habitants. Ce chiffre reste néanmoins supérieur à la moyenne européenne (8,8 infirmiers pour 1.000 habitants) 1. La moitié des infirmiers de la province se concentrent dans les structures hospitalières de Vivalia, qui comptent près de 1.350 ETP. C'est logiquement là que les besoins se font le plus sentir. "Actuellement, nous avons un manque d'à peu près 7 5 ETP pour l'ensemble des structures hospitalières", explique Bénédicte Leroy, directrice des soins infirmiers de Vivalia. À cela s'ajoute des difficultés de recrutement et un manque de personnel dans certains services. "Cette pénurie impacte directement la qualité du travail fourni", analyse Stéphane De Mul. "Il n'y a pas de solution unique mais plusieurs solutions à envisager." "L'allongement des études ajoute à cette difficulté de recrutement", confirme Sophie Mahin, chargée de projets à l'Observatoire de la santé de la Province de Luxembourg, responsable du projet avec Émilie Thiry. Il faut ajouter à cela la particularité du territoire. "Notre province est constituée de zones essentiellement rurales et un nombre d'infirmiers en constante augmentation se dirige vers le Grand-Duché du Luxembourg. La rétention du personnel infirmier est donc un enjeu local crucial."Une étude qualitative a été menée par la Province de Luxembourg, en collaboration avec l'Observatoire de la santé. Le constat est clair: "Il y a un certain malaise dans la profession", explique Sophie Mahin. "La principale revendication des infirmiers n'est d'ailleurs pas salariale. Il ne s'agit pas de l'unique levier de l'attractivité de la profession. Il faut travailler sur les conditions de travail, car nombre d'infirmières se sentent en nombre trop limité dans leurs équipes que pour bien accomplir leur travail." C'est ce que déclaraient également les directeurs d'hôpitaux dans notre récente enquête (lire dossier en pages 12 à 23). Un plan d'action a émergé de ce travail, en collaboration avec les acteurs de terrain. Ce plan d'action doit couvrir la période 2020-2024 et comporte quatre axes: 1. Axe rétention des infirmiers "Avec le slogan 'Soignons le soignant', l'objectif est de lutter contre le turn-over et faire en sorte que les infirmières et infirmiers ne quittent pas leur profession", explique Sophie Mahin ."C'est une réponse au constat rapporté de la charge émotionnelle importante qui peut amener un épuisement professionnel voire un burn-out." À noter que cet axe, travaillé en collaboration avec des médecins, concerne également le médecin généraliste. Concrètement, la Province a décidé d'organiser une escape room santé qui devait avoir lieu en juillet mais qui a été reportée au printemps 2021, pandémie oblige. "Il s'agit d'un jeu de rôle grandeur nature, en l'occurrence une pièce où quatre-cinq soignants sont enfermés et doivent sortir en résolvant des énigmes autour de la prévention de l'épuisement professionnel et du burnout. Le but est de faire prendre conscience des risques encourus et que les soignants soient outillés pour y faire face. À la fin de ce jeu, un débriefing avec un psychologue est prévu, ainsi qu'une brochure qui reprendra un carnet d'adresses des professionnels vers qui le soignant peut se tourner en cas de problème. Il y aura également quelques outils pour répondre au quotidien à une éventuelle surcharge." Enfin, un cycle de formation sur la thématique est également au programme pour 2021. 2. L'attractivité du métier L'objectif ici est double: redorer l'image de la profession et attirer de nouveaux étudiants vers le métier. La province a décidé de lancer une campagne de communication pour ce faire. Intitulée "Je suis infirmier/infirmière", elle vise à capter l'attention des étudiants en fin de secondaire via des capsules vidéo, des salons et des flyers. A priori, ces salons auront lieu en début 2021. 3. Axe représentation au niveau provincial Il s'agit de créer un organe de représentation des infirmiers au niveau provincial. Cela pourrait également être la décentralisation d'une association déjà existante. "Les grandes associations professionnelles ont leur siège social à Bruxelles ou à Namur et ont peu de contacts avec la province", justifie Sophie Mahin. "L'idée est d'avoir une représentation locale pour permettre la défense des enjeux propres à la province de Luxembourg."Un site internet dédié à la profession sera également mis sur pied avec des offres d'emploi, les derniers changements législatifs et des offres de formation. 4. Axe formation et échanges de bonnes pratiques Cet axe part du constat que les infirmiers n'échangent que trop rarement sur certaines pratiques. "La mise en réseaux des référents serait par exemple bénéfique", explique Sophie Mahin. Autre exemple, Vivalia pourrait partager sa réflexion autour de l'e-learning pour en faire profiter les infirmières hors de l'hôpital: à domicile et en maison de repos. Ce soutien provincial est unique en Belgique. Il est évidemment dû à la situation particulière de la province de Luxembourg. "Nous avons été précurseur avec notre soutien aux médecins généralistes puisque nous avions un problème spécifique à notre territoire. Nous sommes ici dans la continuité de ces actions, avec maintenant l'infirmier et plus tard le médecin urgentiste", explique le député provincial en charge de la Santé .Le financement des zones de secours, qui a coûté cher à la Province de Namur qui s'est déchargée récemment de ses compétences santé, ne nuira pas au projet promet Stephan De Mul. "Nous devrons prioriser nos actions, c'est un fait. Mais la santé est un domaine prioritaire. Et nous continuerons d'investir dans des domaines tels que ceux-ci."