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C'est la position qu'a défendue début mars le Pr Wim Robberecht, CEO de l'UZ Leuven, au sein du groupe de travail affaires institutionnelles (soins de santé) du Parlement flamand. Et, bien qu'il se soit efforcé de la tempérer par moments, son analyse académique de notre système de soins n'est pas tendre. Le Pr Robberecht a commencé par briser une lance en faveur d'une unité de commandement, en particulier dans les situations de crise. "Le morcellement, les concertations inutiles, etc. génèrent une perte d'efficience à différents niveaux. Loin de servir la complémentarité, ils sont une menace pour la compétitivité et une source de confusion et de frustrations."On sait que le contenu et le financement des soins relèvent aujourd'hui de plusieurs niveaux décisionnels, puisque préventif et curatif, psychologique et somatique, revalidation et soins "ordinaires" ont été scindés. "Et au fond, ça, cela ne va pas", estime Wim Robberecht. "Les soins doivent être mieux intégrés, en particulier lorsqu'on songe à l'avenir."Quant à savoir à quel niveau devrait finalement s'organiser la prise de décision, il ne se prononce pas ( "tant que cela se fait correctement"). Il souligne toutefois qu'il est important de pouvoir réagir avec une certaine flexibilité. "Une approche uniforme permet parfois de résoudre certains problèmes, mais c'est rare. Certaines choses sont vraiment différentes au Nord et au Sud du pays et devoir à chaque fois chercher des solutions qui conviennent à tout le monde entraîne des pertes de temps, d'argent et d'efficience."Reste qu'il est aussi important d'atteindre une masse critique. "Une région de quelques millions d'habitants, c'est parfois trop peu. Pour des technologies de pointe comme les centres de protonthérapie ou pour la fixation des prix et l'approbation des médicaments, par exemple, il est souhaitable de fonctionner à un niveau plus large."Pour le Pr Robberecht, une prise de décision autonome n'implique pas non plus l'abandon d'une "solidarité transparente". "Je ne suis pas partisan d'une séparation fiscale complète. Le budget des soins de santé peut être réparti sur des budgets partiels régionaux, attribués sur la base d'agréments et de normes."La question cruciale reste toutefois de savoir comment préserver un même niveau de qualité sans faire exploser le budget. Pour Wim Robberecht, de nombreux points restent améliorables. "Le système de financement actuel - en particulier celui des hôpitaux - est beaucoup trop complexe. Il n'y a plus que deux personnes qui comprennent vraiment le financement hospitalier et elles sont toutes les deux à la veille de la retraite."Nous devrions aussi mitiger l'importance accordée à la prestation, mais sans entamer la motivation. "Par ailleurs, il y a encore trop d'abus et de surconsommation. Le gaspillage est entré dans les moeurs parce qu'on ne suit qu'à moitié les nouvelles technologies et les indications: aux États-Unis, par exemple, jusqu'à 15% des opérations sont superflues." L'excès d'administration et l'optimisation artificielle des hôpitaux aussi sont des problèmes auxquels il faut s'attaquer. "Il faudrait revoir le système de prise de décision reposant sur des consultations à n'en plus finir des parties concernées, même si j'ai bien conscience que cela revient à prêcher contre ma chapelle..." Le Pr Robberecht dénonce aussi avec virulence ce qu'il appelle les hôpitaux "IKEA" (pour " Ik Kan Echt Alles", "je peux vraiment tout faire"), dans un contexte où une bonne répartition des tâches est justement capitale. Le financement des soins devrait être axé sur la population plutôt que sur l'individu. "Des paiements groupés, tels qu'ils existent pour les soins à basse variabilité, sont un pas dans la bonne direction. Par contre, il faut faire attention à la spirale descendante (la course au "toujours moins cher") inhérente aux SBV, car c'est finalement le patient qui en fait les frais. Nous voulons aussi parler du partage des tâches et de l'échelonnement."Le secteur des soins devrait apprendre à réfléchir davantage en termes de qualité plutôt que de prestations. "Payer les hôpitaux et les médecins pour faire correctement leur travail (le fameux "Pay for Performance" ou P4P) me semble toutefois délicat. Un travail de qualité ne doit-il pas être la norme? Je plaiderais donc plutôt pour un système de "Not-Pay-for-Not-Performance" (NP4NP), où le paiement est tributaire du respect des normes de qualité." Le Pr Robberecht évoque à cet égard la sélection des patients aux États-Unis, où "les médecins privilégient les patients blancs et fortunés chez qui le succès est garanti et ignorent les personnes en difficulté sociale par crainte de ne pas parvenir à réaliser les critères de qualité".Il n'est plus non plus acceptable de payer une seconde fois pour les complications évitables d'une intervention ou d'un traitement. "Il est capital de concentrer les soins et les pathologies, car cela débouche sur une qualité accrue ; mieux vaut toujours plus de routine que pas assez. Et la qualité est aussi mesurable", souligne Wim Robberecht. L'entrepreneuriat social aussi a son importance. "Le consortium de santé américain Kaiser Permanente s'adresse p.ex. à des clients individuels qui jouissent, par le biais d'un abonnement, d'un certain niveau de qualité", illustre Wim Robberecht. "Il forme un système intégré unique pour tous les soins médicaux, infirmiers et de revalidation, et ce toutes lignes confondues."Les "économies partagées" ne sont pas encore à l'ordre du jour, puisque cela reviendrait, pour les hôpitaux, à se sanctionner eux-mêmes. "Ceux qui réalisent moins d'examens ou de tests superflus passent aujourd'hui à côté de montants non négligeables. S'il y a moyen de faire moins cher, une partie des économies devrait revenir à ceux qui les réalisent. En outre, le financement hospitalier ne couvre pas cet aspect capital qu'est l'innovation (informatisation, gestion des données, médecine de précision...)."Plus de soins ambulatoires et des hospitalisations plus brèves (24 h après un accouchement, sortie le jour même d'une opération de la hanche, etc.) sont possibles. "Néanmoins, les soins à domicile et les séjours de revalidation aussi ont un coût. Bien souvent, c'est aujourd'hui le patient qui se retrouve à l'assumer... et là encore, cela me semble problématique", conclut le Pr Robberecht.