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Seule une question est importante dans le Value Based Healthcare: est-ce que le traitement a fonctionné? Ou plutôt, est-ce que le patient va mieux? "Il y a des variations considérables entre les différentes pathologies et les différents hôpitaux. Ces variations sont préoccupantes parce qu'elles viennent après des décennies et des décennies de guidelines", réagit Gregory Katz. Par exemple, le taux de réintervention après une prothèse de hanche varie de 600% en Suède, selon la clinique ou le praticien qui opère. Idem en Belgique concernant le cancer colorectal, pathologie pour laquelle le taux de mortalité varie de 700% selon que le patient se fait opérer à Louvain ou à Bruxelles. "Ces chiffres sont ajustés aux profils de sévérité des patients, donc on compare bien des pommes et des pommes", précise le Pr Katz. Patients, cliniciens, institutions, soins de santé en général...Sans registre, tout le monde est perdant, estime le professeur français. "Les praticiens ne savent pas où se situer, ils sont démunis pour progresser sans comparaison à une moyenne nationale, et ils sont incités à être non performants: plus ils ratent, plus ils réinterviennent, et plus ils sont payés. C'est un système pernicieux qui va dans le sens inverse de l'intérêt de la santé publique et dans le sens inverse de celui des patients. Ces derniers ne savent pas s'orienter dans le système de santé, et il y a pour eux une vraie perte de chance du fait de l'opacité qui découle de l'absence de registre."La Suède a montré l'exemple en comparant le traitement réservés aux maladies coronaires selon un quality index, un score composite qui comprend à la fois des Proms (Patient-reported outcome measures) et des Croms (Clinician-reported outcome measures). "Cela a amené une modification de comportement des cliniques en dessous de la moyenne, et un phénomène de rattrapage", explique Gregory Katz. "La transparence est la clé de l'amélioration de l'ensemble des soins. Le Value Based Healthcare est, par définition, du benchmark. Comparer est très important. De la comparaison vient l'achat à la valeur - le Value Based Procurement. Par les temps qui courent, il n'y a pas de meilleur retour sur investissement que l'achat d'un registre de données de santé."Pour l'homme, nous entrons dans une ère où les équipes hospitalières ne doivent pas seulement être soumises à une obligation de moyens, elles entrent dans une obligation de résultats. Avec cette obligation de résultats apparaît la notion de valeur. "Cette valeur, c'est le ratio entre le résultat pour le patient et les coûts pour atteindre ce résultat."Attention, il s'agit bien du résultat pour le patient. "Qu'est-ce qui importe le plus au patient? De ressortir de l'hôpital en vie, certes, mais surtout qu'il récupère une certaine qualité de vie. C'est cela que l'on mesure à l'aide des Proms" détaille le Pr Katz. Proms qu'il ne faut pas confondre avec les Prems qui s'intéressent quant à eux à l'expérience patient (les mesures du patient par rapport au confort, à la communication durant le séjour hospitalier). "Dans l'équation de la valeur, on mesure le résultat et non l'accueil. On a tendance effectivement à comparer ou à confondre Proms et Prems comme s'il s'agissait de frères jumeaux. Mais ce sont bien les Proms qui importent le plus pour la valeur ajoutée pour le patient.""Il faut comparer et non simplement mesurer", répond sans ambages Gregory Katz. Tout en évitant les biais. "Il peut y avoir, côté clinique, la tentation de passer sous silence certains cas complexes pour augmenter la moyenne. Il faut donc travailler avec des audits indépendants." Le biais patient est lui influencé par l'habitude au handicap. "On corrige ce biais par ce que l'on appelle le response shift, des mesures psychométriques qui permettent de standardiser les Proms."Enfin, il faut une gouvernance. "C'est essentiel pour définir un cadre scientifique et déontologique, pour éviter les conflits d'intérêts. C'est essentiel au Value Based Healthcare. Cela implique un organisme tiers indépendant qui doit fédérer tous les acteurs: institutions, cliniciens, sociétés savantes et patients. Ensemble, ils doivent s'entendre sur la définition de la valeur et comment on la mesure et on la partage. Cet organisme doit lui-même être soumis à des certifications afin de stabiliser le registre à partir duquel le Value Based Healthcare peut se réaliser."