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"AHIMSA signifie 'ne pas nuire' en sanscrit ou, ici, 'Aide à la prise en compte au niveau HospItalier et dans le secteur Médical des enjeux de SAnté environnement'. Ce projet a été initié en 2019 à l'initiative du Dr Jean-François Simon, qui souhaitait réduire l'impact des perturbateurs endocriniens (PE) et des autres polluants en maternité, pédiatrie et PMA, à l'hôpital Ambroise Paré à Mons (aujourd'hui Helora)", a précisé Marie-Christine De Wolf (Hainaut analyse), lors de la conférence "Hôpitaux en transition" [1]. "Les objectifs sont de renforcer la prise en compte des enjeux de santé environnementale dans les hôpitaux et auprès des médecins généralistes, de sensibiliser les professionnels du secteur et, à travers eux, les futurs et jeunes parents, et de limiter l'exposition des populations vulnérables (1.000 premiers jours de la vie) aux polluants environnementaux."Dans ce cadre, une enquête a été menée en 2022 dans 16 hôpitaux généraux, dont 11 engagés dans une démarche de santé environnementale. La plupart des actions portaient sur la qualité des aliments et les changements climatiques, ensuite sur la qualité de l'air intérieur et la biodiversité. Sept hôpitaux agissaient sur les PE. Certains ont intégré des critères environnementaux (produits locaux, bio...) à leur politique d'achats. Quant à la biodiversité, elle est favorisée par des projets variés comme la végétalisation des bâtiments, l'installation de ruches... Les hôpitaux ont émis des besoins tels que la formation en santé/environnement pour le personnel, des campagnes de sensibilisation, des groupe de travail pluridisciplinaire et l'évaluation des sources de PE (surtout en maternité, pédiatrie). Une seconde enquête a été conduite auprès des professionnels de la santé en Régions wallonne et bruxelloise. Parmi les 118 participants, 47% affirment qu'ils posent des questions sur les facteurs d'exposition environnementale lors de l'anamnèse. Une majorité le fait systématiquement en cas de problèmes respiratoires (asthme, allergie...), nombreux sont ceux qui le font aussi en cas de troubles de la fertilité, d'obésité... La moitié s'intéresse aux comportements et à l'environnement du patient (maison, travail...) et une majorité à la présence de moisissures, aux acariens, à l'humidité, puis à l'alimentation, aux cosmétiques... Dans 89% des cas, ils proposent des recommandations sur base des informations reçues. "Le premier frein rencontré est le manque de connaissances (39%), suivi par le manque de temps (31%). Ils évoquent aussi des difficultés pour cerner un sujet aussi vaste en consultation et des patients peu réceptifs. Leurs connaissances laissent quelque peu à désirer: la majorité pense par exemple qu'il faut aérer plusieurs heures par jour! Il y a donc une nécessité de développer plusieurs canaux d'information, de diffuser les e-learning développés dans le cadre du Plan national environnement et santé (NEHAP), d'organiser des ateliers entre pairs, avec des outils adaptés aux patients et de disposer de sites internet avec des informations grand public et scientifiques", conclut-elle. "Dès 1994, l'OMS a invité les médecins à prendre conscience de l'importance de l'environnement sur la santé à long terme", a expliqué le Dr Jean-François Simon (Helora, site Kennedy), responsable de la première maternité labellisée écoresponsable en Belgique. "En 2017, la Fédération internationale des gynécologues obstétriciens (Figo) a sensibilisé à l'impact des produits chimiques toxiques sur la santé reproductive et a exhorté les gynécologues à prendre en compte l'amélioration de la santé des femmes enceintes et de leur descendance. En 2019, en tant que chef du service de gynécologie, il m'a semblé opportun de mener cette réflexion.""Dès mars 2019, on a développé des ateliers de santé environnementale pour les futurs parents. Nous avons créé la maison de Margaux, une maison didactique où nous donnons des conseils pour accueillir l'enfant dans un environnement le plus sain possible. Dans un premier temps, nous voulions simplement informer les patients, la direction nous a poussés à aller plus loin."La maternité a donc relevé le défi de la santé environnementale, en se concentrant sur l'élimination des PE. Une formation en santé environnementale (avec Hainaut analyse et la SSMG, dans le cadre du projet AHIMSA) a été proposée au personnel (médecins et sage-femmes): 20% se sont d'emblée portés volontaires. Les audits de la qualité de l'air dans le service ont également permis d'induire une prise de conscience. "On s'est repositionné par rapport aux achats, il a fallu convaincre la pharmacie, la logistique, le service d'hygiène et de nettoyage", ajoute-t-il. La phase d'exécution a débuté en mars 2020, juste avant le confinement, et la certification a été obtenue en septembre 2023. L'implémentation de la santé environnementale dans un hôpital peut être entravée par plusieurs facteurs, avertit le gynécologue. "Le premier est le manque de connaissance et de sensibilisation des équipes soignantes. Il faut les informer et former ceux qui s'intéressent à la question. Il est très important de coordonner les actions à mener et de définir un cadre précis: on fait tous de la santé environnementale mais tous différemment, c'est une perte de temps, d'énergie et d'argent si on ne coordonne pas les actions."Les contraintes budgétaires et la confrontation entre la prévention et la mission hospitalière sont le second frein: "L'aspect curatif est privilégié au détriment du préventif. Il faut amener une nouvelle vision dans les soins apportés et favoriser les initiatives permettant les substitutions saines."Le troisième frein est la résistance au changement et l'éco-anxiété. "Parmi les 40% du personnel formé à la pratique des ateliers en santé environnementale, une seule sage-femme a accepté de les gérer, les autres craignant d'être incompétents. Il faut une communication assertive et ciblée pour éviter les débordements émotionnels mobilisés dans la réception d'une information anxiogène, anticiper la résistance au changement dans les équipes hospitalières et insister sur le fait que l'amélioration de la santé du personnel est aussi une priorité", souligne-t-il. Enfin, il faut composer avec le manque de ressources humaines spécialisées, une communication non efficace, la complexité réglementaire et le manque de substitution. "Par exemple, il n'existe pas de gel pour échographie ne contenant pas de phtalates ou parabens. On est donc obligé de continuer à utiliser des substances problématiques, ce qui renforce l'éco-anxiété chez certains."Après l'obtention du Label de qualité santé environnementale (THQSE), la maternité d'Helora a récemment reçu le prix Horizon de la Province du Hainaut. Le CHU ne compte pas s'arrêter là, d'autres patients devraient bientôt être visés par cette transition vers la santé environnementale.