L'inauguration des nouvelles infrastructures du service de psychiatrie du bébé, de l'enfant, de l'adolescent et du jeune adulte de l'Hôpital universitaire de Bruxelles (HUB), sur le site de l'Huderf, reportée pour cause de Covid, s'inscrit dans un contexte de demandes croissantes de soins en santé mentale pour l'enfant et l'adolescent.

"Depuis sa création il y a 20 ans, l'unité d'hospitalisation pédopsychiatrique a toujours été dans des locaux inadéquats. Nous disposons enfin d'un espace dédié avec des installations tout à fait adaptées au dispositif de soins", précise la Pr Véronique Delvenne, directrice du service.

L'unité, organisée pour stimuler la convivialité, peut accueillir 15 jeunes de 8 à 14 ans souffrant de psychopathologies sévères. On y trouve des zones dédiées aux ateliers thérapeutiques, une cuisine, un salon, des espaces pour s'isoler ou recevoir la famille, une classe de l'école Robert Dubois, une terrasse...

L'équipe soignante utilise des outils de résistance non violente (RNV). "C'est une technique d'intervention basée sur Gandhi: quand la parole ne marche plus, on pose des actes non violents pour s'opposer à des actes violents. Il y a trois types d'actes: le premier c'est la lettre qui soutient tout ce qu'il y a de bien chez le jeune, qui précise les comportements qu'on n'accepte pas... En général, cette lettre ne suffit pas et, quand il y a encore eu un acte de violence auto- ou hétéro-agressif, on utilise alors le sit-in où l'équipe vient dans la chambre du jeune pendant 20 minutes, où une seule personne mène la discussion et où on attend les propositions du jeune. C'est assez puissant. Enfin, le 3e type d'actes concerne la réconciliation (un gâteau, une sortie ensemble...)."

L'arsenal thérapeutique est renforcé par des ateliers multimédias (jeux vidéos, réalité virtuelle), une sensibilisation aux enjeux de la cyberculture et des réseaux sociaux, des ateliers bien-être, une approche multifamiliale de soutien pour les parents...

Fragilisation mentale

Une capacité de 15 jeunes peut paraître insuffisante: "Pendant le Covid, ça a été épouvantable, on a débordé partout sur la pédiatrie. Maintenant, ça va un peu mieux. Le SPF Santé publique nous avait donné des moyens pour désengorger les unités et accélérer le flux des patients, du personnel supplémentaire organisé autour de ce qu'on appelle le 'in-out'. C'est-à-dire que quand on est plein, il travaille avec les équipes et les familles pour soutenir les jeunes qui devraient être hospitalisés et pour lesquels il n'y a pas de place. Et surtout, il y a des équipes qui travaillent sur le 'out' pour les faire sortir un peu plus rapidement qu'avant, mais en leur permettant de revenir par intermittence à certains moments, à certains ateliers... Ça fonctionne relativement bien", constate-t-elle.

"La situation s'est un peu apaisée par rapport à la crise du Covid mais il y a une vraie fragilisation au niveau de la santé mentale, pour tout le monde, et particulièrement pour les jeunes parce que l'adolescence est une période où on se pose des question sur la vie et la mort or, les conditions environnementales actuelles sont préoccupantes: écoanxiété, épidémies, situation géopolitique... C'est palpable, mais je trouve que les jeunes gardent leurs fonctions de très grande vitalité. A l'adolescence, les questions sont posées avec beaucoup d'acuité. Il y a aussi beaucoup de questionnement chez les jeunes adultes. Une étude parue dans 'Le Nouvel Obs' montre par exemple que le taux de suicide, de menaces suicidaires et d'automutilation chez les filles reste assez préoccupant malgré qu'on est un peu sorti du Covid. Je pense que chez les filles, il y a aussi tout un questionnement sur le fait de faire des enfants", fait observer la pédopsychiatre.

L'unité APPI

A côté, il y a deux unités de jour uniques en Belgique: l'unité APPI (autisme prise en charge précoce individualisée) et l'unité parents-bébé. "Si elles existaient depuis 2015 dans des lieux transitoires de l'hôpital, elles n'avaient jamais été réellement inaugurées."

"L'unité APPI utilise la thérapie Early Start Denver Model (ESDM), basée sur le jeu, qui met la qualité de la relation et la motivation de l'enfant au centre de l'intervention, apprend-elle. Ceci très précocement chez des enfants à risque d'autisme, aux alentours de 18 mois à trois ans, pour essayer de les tirer au maximum dans le développement prosocial et du langage. Cette méthode semble infléchir les trajectoires développementales de ces enfants."

"Ce dispositif va encore évoluer mais quand on l'a implémenté en 2015, c'était assez original et expérimental. Maintenant, on y rajoute d'autres techniques et on adapte la prise en charge proposée aux parents et aux équipes extérieures en fonction du profil de l'enfant. D'autres méthodes sont utilisées en fonction des besoins spécifiques de chaque enfant comme le PECS (communication par échange d'images) ou la psychomotricité relationnelle."

La capacité d'accueil est limitée à dix enfants: "Souvent on initie les choses et on essaie le plus rapidement possible, quand l'enfant bouge un tout petit peu au niveau de son développement, de le mettre en 'in-out': il sort de l'unité et revient de temps en temps sur des groupes spécifiques, les parents reviennent pour la formation parentale. On essaie d'augmenter le turnover. L'objectif avec les équipes in-out c'est de permettre un transfert des compétences vers les parents ou vers le personnel des crèches ou des écoles maternelles pour pouvoir intégrer au mieux ces enfants avec autisme."

Notons enfin que le renouvellement de cet environnement de travail est stimulant pour l'équipe soignante: "On a perdu moins de personnel qu'avant, on en a même récupéré!", se réjouit la Pr Delvenne.

L'unité UPBB

L'unité parents-bébé (UPBB) accueille cinq à huit jeunes enfants (0-2,5 ans) accompagnés de leurs parents. "Il existe peu d'unités parents-bébé de jour, il y en a en Flandre essentiellement du côté de la psychiatrie adulte, pas du côté pédopsychiatrie. Chez nous", souligne la Pr Delvenne, "l'originalité de cette unité c'est qu'elle est centrée sur l'observation soit d'une panne développementale, soit de symptômes spécifiques du bébé (troubles du sommeil, de l'alimentation ou de l'interaction parents-bébé). L'aménagement des locaux sous la forme d'un appartement devrait faciliter les relations et l'observation de l'enfant dans son interaction avec ses parents et l'environnement."

L'inauguration des nouvelles infrastructures du service de psychiatrie du bébé, de l'enfant, de l'adolescent et du jeune adulte de l'Hôpital universitaire de Bruxelles (HUB), sur le site de l'Huderf, reportée pour cause de Covid, s'inscrit dans un contexte de demandes croissantes de soins en santé mentale pour l'enfant et l'adolescent. "Depuis sa création il y a 20 ans, l'unité d'hospitalisation pédopsychiatrique a toujours été dans des locaux inadéquats. Nous disposons enfin d'un espace dédié avec des installations tout à fait adaptées au dispositif de soins", précise la Pr Véronique Delvenne, directrice du service. L'unité, organisée pour stimuler la convivialité, peut accueillir 15 jeunes de 8 à 14 ans souffrant de psychopathologies sévères. On y trouve des zones dédiées aux ateliers thérapeutiques, une cuisine, un salon, des espaces pour s'isoler ou recevoir la famille, une classe de l'école Robert Dubois, une terrasse... L'équipe soignante utilise des outils de résistance non violente (RNV). "C'est une technique d'intervention basée sur Gandhi: quand la parole ne marche plus, on pose des actes non violents pour s'opposer à des actes violents. Il y a trois types d'actes: le premier c'est la lettre qui soutient tout ce qu'il y a de bien chez le jeune, qui précise les comportements qu'on n'accepte pas... En général, cette lettre ne suffit pas et, quand il y a encore eu un acte de violence auto- ou hétéro-agressif, on utilise alors le sit-in où l'équipe vient dans la chambre du jeune pendant 20 minutes, où une seule personne mène la discussion et où on attend les propositions du jeune. C'est assez puissant. Enfin, le 3e type d'actes concerne la réconciliation (un gâteau, une sortie ensemble...)."L'arsenal thérapeutique est renforcé par des ateliers multimédias (jeux vidéos, réalité virtuelle), une sensibilisation aux enjeux de la cyberculture et des réseaux sociaux, des ateliers bien-être, une approche multifamiliale de soutien pour les parents... Une capacité de 15 jeunes peut paraître insuffisante: "Pendant le Covid, ça a été épouvantable, on a débordé partout sur la pédiatrie. Maintenant, ça va un peu mieux. Le SPF Santé publique nous avait donné des moyens pour désengorger les unités et accélérer le flux des patients, du personnel supplémentaire organisé autour de ce qu'on appelle le 'in-out'. C'est-à-dire que quand on est plein, il travaille avec les équipes et les familles pour soutenir les jeunes qui devraient être hospitalisés et pour lesquels il n'y a pas de place. Et surtout, il y a des équipes qui travaillent sur le 'out' pour les faire sortir un peu plus rapidement qu'avant, mais en leur permettant de revenir par intermittence à certains moments, à certains ateliers... Ça fonctionne relativement bien", constate-t-elle. "La situation s'est un peu apaisée par rapport à la crise du Covid mais il y a une vraie fragilisation au niveau de la santé mentale, pour tout le monde, et particulièrement pour les jeunes parce que l'adolescence est une période où on se pose des question sur la vie et la mort or, les conditions environnementales actuelles sont préoccupantes: écoanxiété, épidémies, situation géopolitique... C'est palpable, mais je trouve que les jeunes gardent leurs fonctions de très grande vitalité. A l'adolescence, les questions sont posées avec beaucoup d'acuité. Il y a aussi beaucoup de questionnement chez les jeunes adultes. Une étude parue dans 'Le Nouvel Obs' montre par exemple que le taux de suicide, de menaces suicidaires et d'automutilation chez les filles reste assez préoccupant malgré qu'on est un peu sorti du Covid. Je pense que chez les filles, il y a aussi tout un questionnement sur le fait de faire des enfants", fait observer la pédopsychiatre. A côté, il y a deux unités de jour uniques en Belgique: l'unité APPI (autisme prise en charge précoce individualisée) et l'unité parents-bébé. "Si elles existaient depuis 2015 dans des lieux transitoires de l'hôpital, elles n'avaient jamais été réellement inaugurées.""L'unité APPI utilise la thérapie Early Start Denver Model (ESDM), basée sur le jeu, qui met la qualité de la relation et la motivation de l'enfant au centre de l'intervention, apprend-elle. Ceci très précocement chez des enfants à risque d'autisme, aux alentours de 18 mois à trois ans, pour essayer de les tirer au maximum dans le développement prosocial et du langage. Cette méthode semble infléchir les trajectoires développementales de ces enfants.""Ce dispositif va encore évoluer mais quand on l'a implémenté en 2015, c'était assez original et expérimental. Maintenant, on y rajoute d'autres techniques et on adapte la prise en charge proposée aux parents et aux équipes extérieures en fonction du profil de l'enfant. D'autres méthodes sont utilisées en fonction des besoins spécifiques de chaque enfant comme le PECS (communication par échange d'images) ou la psychomotricité relationnelle."La capacité d'accueil est limitée à dix enfants: "Souvent on initie les choses et on essaie le plus rapidement possible, quand l'enfant bouge un tout petit peu au niveau de son développement, de le mettre en 'in-out': il sort de l'unité et revient de temps en temps sur des groupes spécifiques, les parents reviennent pour la formation parentale. On essaie d'augmenter le turnover. L'objectif avec les équipes in-out c'est de permettre un transfert des compétences vers les parents ou vers le personnel des crèches ou des écoles maternelles pour pouvoir intégrer au mieux ces enfants avec autisme."Notons enfin que le renouvellement de cet environnement de travail est stimulant pour l'équipe soignante: "On a perdu moins de personnel qu'avant, on en a même récupéré!", se réjouit la Pr Delvenne.