Ces dernières semaines, alors que la 4e vague gonflait lentement, les hôpitaux n'ont pas été entendus, ils ont même été traités de Cassandre et de casse-pieds, d'empêcheurs de vivre en toute liberté. Pourtant, ils ont tout donné pour accueillir les patients Covid, pour rattraper les retards occasionnés par les déprogrammations et pour faire tourner le système à plein régime. La ligne politique hésitante des derniers jours et les ordres contradictoires font douter les plus motivés. Il faut réagir vite et fort car, d'une gestion de crise, on pourrait passer rapidement à une gestion du chaos.
Depuis plus de 21 mois, la crise du Covid-19 met le secteur hospitalier sous pression. Celle-ci s'exerce pendant les vagues épidémiques, bien couvertes par les médias, mais aussi, et c'est moins visible, durant les périodes intermédiaires de décélération de l'activité et de reprise des interventions postposées. Durant ces 21 mois, il n'y a pas vraiment eu de pause.
À chaque étape de changement, il faut déployer une débauche d'énergie incroyable pour parvenir à reconfigurer l'offre de soins ainsi que la distribution des ressources humaines et prendre en compte les multiples conséquences des décisions prises sur nos collaborateurs, et tout particulièrement sur la qualité de prise en charge des patients, avec toutes les conséquences possibles pour ces derniers.
En interne, les comités de crise, pilotés par la cellule de coordination du Plan d'Urgence Hospitalier, se succèdent plusieurs fois par semaine pour prendre des décisions qui doivent ensuite être traduites à tous les niveaux de l'organisation des hôpitaux, où travaillent 7j/7 et 24h/24 des dizaines de métiers différents pour accueillir annuellement 1.000.000 de consultations, 200.000 urgences et 70.000 admissions.
Pour se figurer la chose, à l'échelle du réseau hennuyer Phare, ce sont près de 8.500 collaborateurs et pas moins de 1.500 prestataires indépendants qui, depuis 625 jours, sont mis en alerte permanente dans le cadre du Plan d'Urgence Hospitalier.
Ce jour, nous avons atteint la phase 2A du plan d'urgence, soit 60% d'occupation de la capacité en réanimation. Le profil de la patientèle touchée par le Covid a fortement évolué. Les patients sont majoritairement plus jeunes, sans comorbidité et non-vaccinés.
Il n'est donc pas surprenant qu'aujourd'hui, on constate partout de l'épuisement physique et psychique traduit par des absences, des démissions et une plus grande difficulté à maintenir l'entraide et la solidarité entre services.
Outre la durée exceptionnelle de la crise et son intensité, il est des mesures qui ne facilitent pas sa gestion au quotidien et qui conduisent aujourd'hui la majorité des soignants et des non-soignants à l'épuisement, au sentiment d'abandon, basculant de l'incompréhension à la colère, à une perte majeure du sens de leur métier, du "prendre soin".
Dernièrement, les trois réunions successives du Comité de Concertation et les mesures prises - voire l'absence de mesures significatives - trahissent une non prise en compte des réalités de terrain du secteur hospitalier, pourtant largement relayées par les experts et le secteur lui-même.
Des communications officielles ordonnant l'arrêt immédiat des activités et modifiées le lendemain pour permettre leur reprise entament largement la confiance dans la vision et la stratégie de la ligne de commandement.
Sans remettre en question l'urgence de la généralisation de la vaccination, des projets annoncés de longue date stigmatisant les soignants fédèrent le mécontentement et conduisent à des grèves en plein pic épidémique. Des hôpitaux seront en service minimum ce 7 décembre. Le mouvement est largement suivi dans certains secteurs alors que - faut-il le rappeler ? - le taux d'absentéisme est croissant de jour en jour du fait des maladies et quarantaines, et alors que les ressources utiles pour prendre en charge les patients des unités Covid sont d'1,5 fois la norme.
Chaque vague s'est présentée sous un visage différent. Cette 4e vague prend le visage d'une éthique médicale bafouée.
Ajoutons enfin les incertitudes sur les principes et les règles de prise en charge des surcoûts de cette crise par les hôpitaux, qui accroissent le risque financier, et l'absence de compensation des manques à gagner des médecins indépendants qui pose question.
Il ne s'agit pas ici de faire un catalogue de critiques ou de blâmer les responsables en charge mais bien de relayer encore une fois, haut et fort, les préoccupations d'un terrain qu'il faut écouter et entendre davantage afin d'éviter de passer de la gestion de crise à une gestion du chaos.
Thérèse Trotti, directrice générale CHR Haute Senne
François Burhin, directeur général EpiCURA
Didier Delval, directeur général CHwapi
Grégoire Lefebvre, directeur général CHMouscron
Depuis plus de 21 mois, la crise du Covid-19 met le secteur hospitalier sous pression. Celle-ci s'exerce pendant les vagues épidémiques, bien couvertes par les médias, mais aussi, et c'est moins visible, durant les périodes intermédiaires de décélération de l'activité et de reprise des interventions postposées. Durant ces 21 mois, il n'y a pas vraiment eu de pause.À chaque étape de changement, il faut déployer une débauche d'énergie incroyable pour parvenir à reconfigurer l'offre de soins ainsi que la distribution des ressources humaines et prendre en compte les multiples conséquences des décisions prises sur nos collaborateurs, et tout particulièrement sur la qualité de prise en charge des patients, avec toutes les conséquences possibles pour ces derniers.En interne, les comités de crise, pilotés par la cellule de coordination du Plan d'Urgence Hospitalier, se succèdent plusieurs fois par semaine pour prendre des décisions qui doivent ensuite être traduites à tous les niveaux de l'organisation des hôpitaux, où travaillent 7j/7 et 24h/24 des dizaines de métiers différents pour accueillir annuellement 1.000.000 de consultations, 200.000 urgences et 70.000 admissions.Pour se figurer la chose, à l'échelle du réseau hennuyer Phare, ce sont près de 8.500 collaborateurs et pas moins de 1.500 prestataires indépendants qui, depuis 625 jours, sont mis en alerte permanente dans le cadre du Plan d'Urgence Hospitalier.Ce jour, nous avons atteint la phase 2A du plan d'urgence, soit 60% d'occupation de la capacité en réanimation. Le profil de la patientèle touchée par le Covid a fortement évolué. Les patients sont majoritairement plus jeunes, sans comorbidité et non-vaccinés.Il n'est donc pas surprenant qu'aujourd'hui, on constate partout de l'épuisement physique et psychique traduit par des absences, des démissions et une plus grande difficulté à maintenir l'entraide et la solidarité entre services.Outre la durée exceptionnelle de la crise et son intensité, il est des mesures qui ne facilitent pas sa gestion au quotidien et qui conduisent aujourd'hui la majorité des soignants et des non-soignants à l'épuisement, au sentiment d'abandon, basculant de l'incompréhension à la colère, à une perte majeure du sens de leur métier, du "prendre soin".Dernièrement, les trois réunions successives du Comité de Concertation et les mesures prises - voire l'absence de mesures significatives - trahissent une non prise en compte des réalités de terrain du secteur hospitalier, pourtant largement relayées par les experts et le secteur lui-même.Des communications officielles ordonnant l'arrêt immédiat des activités et modifiées le lendemain pour permettre leur reprise entament largement la confiance dans la vision et la stratégie de la ligne de commandement.Sans remettre en question l'urgence de la généralisation de la vaccination, des projets annoncés de longue date stigmatisant les soignants fédèrent le mécontentement et conduisent à des grèves en plein pic épidémique. Des hôpitaux seront en service minimum ce 7 décembre. Le mouvement est largement suivi dans certains secteurs alors que - faut-il le rappeler ? - le taux d'absentéisme est croissant de jour en jour du fait des maladies et quarantaines, et alors que les ressources utiles pour prendre en charge les patients des unités Covid sont d'1,5 fois la norme. Chaque vague s'est présentée sous un visage différent. Cette 4e vague prend le visage d'une éthique médicale bafouée. Ajoutons enfin les incertitudes sur les principes et les règles de prise en charge des surcoûts de cette crise par les hôpitaux, qui accroissent le risque financier, et l'absence de compensation des manques à gagner des médecins indépendants qui pose question.Il ne s'agit pas ici de faire un catalogue de critiques ou de blâmer les responsables en charge mais bien de relayer encore une fois, haut et fort, les préoccupations d'un terrain qu'il faut écouter et entendre davantage afin d'éviter de passer de la gestion de crise à une gestion du chaos.Thérèse Trotti, directrice générale CHR Haute SenneFrançois Burhin, directeur général EpiCURADidier Delval, directeur général CHwapiGrégoire Lefebvre, directeur général CHMouscron