De plus en plus, l'on réalise que les personnes d'un âge avancé ont le droit de décider par elles-mêmes et sont en mesure, même si elles souffrent de limitations physiques et mentales, de prendre des décisions et de participer. En parallèle, il est de plus en plus clair que les patients âgés ont des besoins spécifiques et, qu'en raison de leur vulnérabilité et de la complexité des affections dont ils souffrent, l'approche doit être différente de celle utilisée pour les patients plus jeunes. - Qu'est-ce qui est important pour le patient en gériatrie ? Et, surtout, comment pouvons-nous, en tant que personnel soignant, le savoir ? "Le programme de soins pour les patients en gériatrie" de l'UZ Gand a mis sur pied un projet dans lequel la parole du patient âgé reçoit un rôle actif. Non pas parce qu'il le demande mais bien parce que le personnel médical va l'écouter activement. Le projet bénéficie du soutien du fonds Gert Noël, un fond qui a été constitué en 1999 au sein de la fondation Roi Baudouin afin d'améliorer l'écoute, la communication des informations et l'accompagnement humain des patients et des membres de leur famille à l'hôpital.

Karen Versluys, infirmière spécialiste en gériatrie, avec le professeur dr. Nele Van Den Noorgate, porte ce projet dont la genèse remonte à 2008 lorsqu'une étude a été faite sur les nécessités et les besoins des patients âgés atteints de cancer. "Nous pensions que nous allions entendre toute une série de problèmes pratiques mais cela n'a pas été le cas. Les choses semblaient en réalité bien plus profondes que cela. Ce fut une véritable révélation pour nous", raconte Karen Versluys. "Pour la première fois, nous avons essayé de savoir ce dont le patient a véritablement besoin, ce que représente les soins sur mesure et comment nous pourrions mettre tout cela en place dans un service de soins aigus."

"Les patients âgés n'ont pas toujours la force ni les moyens d'exprimer leurs propres désirs et besoins. En outre, une hospitalisation ne facilite pas les choses. Leur dépendance aux soins les rend encore plus vulnérables. Par ailleurs, ils n'ont également pas beaucoup de possibilités et d'occasions de faire entendre leurs désirs et leurs besoins, raison pour laquelle ils ne se sentent pas à leur aise. Par conséquent, ces patients font encore davantage appel au personnel de soins de santé qui subit à son tour une augmentation de la pression au niveau du temps et du stress. La conséquence logique est que ce dernier se voit contraint de se concentrer sur les soins aigus, médicaux... Le cercle vicieux s'enclenche.

La particularité de ce projet réside dans le fait que c'est le prestataire de soins de santé qui prend l'initiative. "Ainsi, nous avons commencé par des moments de réflexions éthiques chaque fois par rapport à un cas ", affirme le prof. Van Den Noorgate. "Nous avons adapté une feuille de route afin de pouvoir suivre, en coordination avec le personnel de soins de santé, l'ensemble du cas en question : quels sont les faits, quelles réactions a suscité ce cas ? Toute personne qui se sent impliquée dans le cas a la possibilité de participer au moment de réflexion et une personne extérieure est en charge de l'accompagnement. Par la suite, le processus a été évalué et étendu à d'autres services. Par ailleurs, nous ne travaillons plus simplement sur des cas puisque nous nous penchons plutôt sur un sujet bien précis : par exemple, l'importance du lavage, la question de l'euthanasie..."

"Nous avons rapidement remarqué que, alors qu'au début il était parfois compliqué de trouver des sujets pertinents pour ces moments de réflexion, très vite ces sujets sont apparus beaucoup plus rapidement et spontanément lors d'un tour de table informel réunissant le personnel infirmier responsable. En outre, nous avons également remarqué que le personnel médical parvenait à se mettre plus vite et plus facilement à la place du patient ou d'une famille grâce à ses moments de réflexion. De cette manière, il est possible de réagir plus promptement et d'empêcher que le stress ne débouche sur de véritables problèmes."

Compétences

Au cours du projet, il est en outre apparu clairement que le personnel médical doit également être un peu "éduqué" et doit acquérir des compétences. "Nous voulons affuter les compétences du personnel de soins de santé afin qu'il soit en mesure d'engager une conversation avec le patient au cours de laquelle le ressenti du patient et de la famille sera au centre. Cela peut paraître simple mais ce n'est pas le cas. Le personnel doit apprendre à appréhender les choses sous des angles différents et à écouter ce que le patient veut véritablement exprimer, ce qui est essentiel et important pour lui. Il doit apprendre à être vraiment à l'écoute et laisser son mode de pensée habituel de côté. " Les patients dont nous nous occupons ont besoin d'aide et c'est pour cette raison que le risque de trop les couver est très élevé", précise le prof. Van Den Noorgate. "Environ la moitié de notre patientèle souffre de démence mais l'autre moitié est parfaitement en mesure de prendre des décisions pour elle-même. Trop souvent, nous constatons que nous tombons dans le piège : la famille parle pour le patient âgé et décide pour lui alors que ce dernier est en état de prendre une décision."

À l'issue de la formation, le prestataire de soins de santé a une conversation avec le patient qui, avec l'assentiment du patient, est enregistrée. Ensuite, un processus de réflexion prend place et l'entretien est retranscrit afin que le personnel puisse tout relire. Enfin, tous les participants se réunissent et échangent sur leur expérience. "Pour beaucoup de participants à la formation, celle-ci a été enrichissante mais également difficile. Nous observons très clairement qu'un changement de cap se produit chez le personnel : se mettre à la place du patient âgé permet au personnel médical de mieux lui parler et de mieux le comprendre. Ces professionnels des soins de santé ont remarqué, grâce à cette approche, que les patients âgés ont souvent une autre idée de leur plan de soins que celle qu'ils ont. Ce constat a été un véritable choc pour certains."

Beaucoup de temps est consacré à ce type de discussion mais est-ce que le personnel peut se permettre de prendre ce temps ? De fait, une telle conversation nous prend beaucoup de temps", confie également Karen Versluys. "Mais on en gagne aussi énormément. Il y a d'ailleurs une relation de confiance qui s'établit et qui permet au patient âgé et au prestataire de soins de santé, grâce à la compréhension mutuelle, de se mettre par exemple plus facilement d'accord sur le plan de soins, ce qui diminue en conséquence le nombre d'appels."

"Cela dit, le système doit aussi être bien organisé au niveau du service", rappelle le prof. Van Den Noorgate. " Les collègues doivent avoir le temps d'engager une conversation avec le patient, ce qui est possible avec une organisation efficace des activités sur le service."

Le projet a obtenu de si bons résultats qu'il est maintenant étendu à d'autres services. "Il y a deux ans, nous avons commencé le déploiement dans tout l'hôpital via le personnel infirmier de référence en gériatrie. La réussite de ce projet dépend aussi en grande partie de l'équipe qui doit considérer ce type de discussion comme faisant partie intégrante des soins. Une demi-heure de discussion avec un patient peut se révéler plus efficace qu'arpenter un couloir une dizaine de fois. Cela implique que l'équipe d'encadrement doive partager cette vision. Nous pouvons certes préparer le terrain mais pour que les circonstances évoluent dans la bonne direction, les services doivent eux-mêmes s'impliquer. Le système ne peut fonctionner que si vous vous trouvez, également en ce qui concerne le personnel médical, dans un environnement où vous pouvez parler ouvertement."

Est-ce que tous les membres du personnel de soins de santé sont adaptés à cette approche? Est-ce que chaque membre du personnel soignant est capable d'écouter activement? "Notre personnel compte 30 personnes et chacune est différente", en rigole le prof; Van Den Noorgate. "Le personnel qui est à l'écoute du patient éprouve une plus grande satisfaction au travail. Est-ce un moyen de lutter contre le burnout? Nous observons quoiqu'il en soit que nous attirons le personnel, ne serait-ce par notre dynamique différente."

De plus en plus, l'on réalise que les personnes d'un âge avancé ont le droit de décider par elles-mêmes et sont en mesure, même si elles souffrent de limitations physiques et mentales, de prendre des décisions et de participer. En parallèle, il est de plus en plus clair que les patients âgés ont des besoins spécifiques et, qu'en raison de leur vulnérabilité et de la complexité des affections dont ils souffrent, l'approche doit être différente de celle utilisée pour les patients plus jeunes. - Qu'est-ce qui est important pour le patient en gériatrie ? Et, surtout, comment pouvons-nous, en tant que personnel soignant, le savoir ? "Le programme de soins pour les patients en gériatrie" de l'UZ Gand a mis sur pied un projet dans lequel la parole du patient âgé reçoit un rôle actif. Non pas parce qu'il le demande mais bien parce que le personnel médical va l'écouter activement. Le projet bénéficie du soutien du fonds Gert Noël, un fond qui a été constitué en 1999 au sein de la fondation Roi Baudouin afin d'améliorer l'écoute, la communication des informations et l'accompagnement humain des patients et des membres de leur famille à l'hôpital.Karen Versluys, infirmière spécialiste en gériatrie, avec le professeur dr. Nele Van Den Noorgate, porte ce projet dont la genèse remonte à 2008 lorsqu'une étude a été faite sur les nécessités et les besoins des patients âgés atteints de cancer. "Nous pensions que nous allions entendre toute une série de problèmes pratiques mais cela n'a pas été le cas. Les choses semblaient en réalité bien plus profondes que cela. Ce fut une véritable révélation pour nous", raconte Karen Versluys. "Pour la première fois, nous avons essayé de savoir ce dont le patient a véritablement besoin, ce que représente les soins sur mesure et comment nous pourrions mettre tout cela en place dans un service de soins aigus.""Les patients âgés n'ont pas toujours la force ni les moyens d'exprimer leurs propres désirs et besoins. En outre, une hospitalisation ne facilite pas les choses. Leur dépendance aux soins les rend encore plus vulnérables. Par ailleurs, ils n'ont également pas beaucoup de possibilités et d'occasions de faire entendre leurs désirs et leurs besoins, raison pour laquelle ils ne se sentent pas à leur aise. Par conséquent, ces patients font encore davantage appel au personnel de soins de santé qui subit à son tour une augmentation de la pression au niveau du temps et du stress. La conséquence logique est que ce dernier se voit contraint de se concentrer sur les soins aigus, médicaux... Le cercle vicieux s'enclenche.La particularité de ce projet réside dans le fait que c'est le prestataire de soins de santé qui prend l'initiative. "Ainsi, nous avons commencé par des moments de réflexions éthiques chaque fois par rapport à un cas ", affirme le prof. Van Den Noorgate. "Nous avons adapté une feuille de route afin de pouvoir suivre, en coordination avec le personnel de soins de santé, l'ensemble du cas en question : quels sont les faits, quelles réactions a suscité ce cas ? Toute personne qui se sent impliquée dans le cas a la possibilité de participer au moment de réflexion et une personne extérieure est en charge de l'accompagnement. Par la suite, le processus a été évalué et étendu à d'autres services. Par ailleurs, nous ne travaillons plus simplement sur des cas puisque nous nous penchons plutôt sur un sujet bien précis : par exemple, l'importance du lavage, la question de l'euthanasie...""Nous avons rapidement remarqué que, alors qu'au début il était parfois compliqué de trouver des sujets pertinents pour ces moments de réflexion, très vite ces sujets sont apparus beaucoup plus rapidement et spontanément lors d'un tour de table informel réunissant le personnel infirmier responsable. En outre, nous avons également remarqué que le personnel médical parvenait à se mettre plus vite et plus facilement à la place du patient ou d'une famille grâce à ses moments de réflexion. De cette manière, il est possible de réagir plus promptement et d'empêcher que le stress ne débouche sur de véritables problèmes."CompétencesAu cours du projet, il est en outre apparu clairement que le personnel médical doit également être un peu "éduqué" et doit acquérir des compétences. "Nous voulons affuter les compétences du personnel de soins de santé afin qu'il soit en mesure d'engager une conversation avec le patient au cours de laquelle le ressenti du patient et de la famille sera au centre. Cela peut paraître simple mais ce n'est pas le cas. Le personnel doit apprendre à appréhender les choses sous des angles différents et à écouter ce que le patient veut véritablement exprimer, ce qui est essentiel et important pour lui. Il doit apprendre à être vraiment à l'écoute et laisser son mode de pensée habituel de côté. " Les patients dont nous nous occupons ont besoin d'aide et c'est pour cette raison que le risque de trop les couver est très élevé", précise le prof. Van Den Noorgate. "Environ la moitié de notre patientèle souffre de démence mais l'autre moitié est parfaitement en mesure de prendre des décisions pour elle-même. Trop souvent, nous constatons que nous tombons dans le piège : la famille parle pour le patient âgé et décide pour lui alors que ce dernier est en état de prendre une décision."À l'issue de la formation, le prestataire de soins de santé a une conversation avec le patient qui, avec l'assentiment du patient, est enregistrée. Ensuite, un processus de réflexion prend place et l'entretien est retranscrit afin que le personnel puisse tout relire. Enfin, tous les participants se réunissent et échangent sur leur expérience. "Pour beaucoup de participants à la formation, celle-ci a été enrichissante mais également difficile. Nous observons très clairement qu'un changement de cap se produit chez le personnel : se mettre à la place du patient âgé permet au personnel médical de mieux lui parler et de mieux le comprendre. Ces professionnels des soins de santé ont remarqué, grâce à cette approche, que les patients âgés ont souvent une autre idée de leur plan de soins que celle qu'ils ont. Ce constat a été un véritable choc pour certains."Beaucoup de temps est consacré à ce type de discussion mais est-ce que le personnel peut se permettre de prendre ce temps ? De fait, une telle conversation nous prend beaucoup de temps", confie également Karen Versluys. "Mais on en gagne aussi énormément. Il y a d'ailleurs une relation de confiance qui s'établit et qui permet au patient âgé et au prestataire de soins de santé, grâce à la compréhension mutuelle, de se mettre par exemple plus facilement d'accord sur le plan de soins, ce qui diminue en conséquence le nombre d'appels.""Cela dit, le système doit aussi être bien organisé au niveau du service", rappelle le prof. Van Den Noorgate. " Les collègues doivent avoir le temps d'engager une conversation avec le patient, ce qui est possible avec une organisation efficace des activités sur le service."Le projet a obtenu de si bons résultats qu'il est maintenant étendu à d'autres services. "Il y a deux ans, nous avons commencé le déploiement dans tout l'hôpital via le personnel infirmier de référence en gériatrie. La réussite de ce projet dépend aussi en grande partie de l'équipe qui doit considérer ce type de discussion comme faisant partie intégrante des soins. Une demi-heure de discussion avec un patient peut se révéler plus efficace qu'arpenter un couloir une dizaine de fois. Cela implique que l'équipe d'encadrement doive partager cette vision. Nous pouvons certes préparer le terrain mais pour que les circonstances évoluent dans la bonne direction, les services doivent eux-mêmes s'impliquer. Le système ne peut fonctionner que si vous vous trouvez, également en ce qui concerne le personnel médical, dans un environnement où vous pouvez parler ouvertement."Est-ce que tous les membres du personnel de soins de santé sont adaptés à cette approche? Est-ce que chaque membre du personnel soignant est capable d'écouter activement? "Notre personnel compte 30 personnes et chacune est différente", en rigole le prof; Van Den Noorgate. "Le personnel qui est à l'écoute du patient éprouve une plus grande satisfaction au travail. Est-ce un moyen de lutter contre le burnout? Nous observons quoiqu'il en soit que nous attirons le personnel, ne serait-ce par notre dynamique différente."