En dépit de toutes les mesures supplémentaires adoptées par les autorités, notamment pour soutenir le secteur pendant le covid, les hôpitaux généraux sont dans les difficultés jusqu'au cou. Le nombre d'hôpitaux qui tournent à perte ou se trouvent dans la zone de danger augmente.
Commençons par la "bonne" nouvelle : le chiffre d'affaires (CA) des hôpitaux a augmenté en 2022. Cela grâce à l'augmentation du Budget des moyens financiers (BMF) de 10,4% et la hausse des revenus pharmaceutiques (+ 8,9%). L'augmentation du BMF s'explique par l'indexation et différentes mesures prises par le Fédéral pour améliorer l'attractivité des métiers de la santé (le Fonds Blouses blanches par exemple).
Le CA a également été gonflé par les honoraires des médecins, même s'ils n'ont progressé que de 1,6% en 2022, la faute à une activité hospitalière qui n'a pas retrouvé son lustre d'avant covid et, surtout, à une indexation décalée d'un an. En 2023, les honoraires des médecins devraient s'accroître de 7,9% selon les prévisions.
"Le BMF, les revenus pharmaceutiques et les honoraires constituent les trois piliers constitutifs du CA", détaille Arnaud Dessoy, Senior analyst Social & Public Finance pour Belfius. "On constate tout de suite que l'augmentation des honoraires est très limitée. Avec une activité médicale réduite par rapport à l'avant crise, on ne situe largement en dessous de l'inflation."
Des coûts en nette augmentation
Résultat : les coûts ont malheureusement davantage que le CA en 2022. Premiers en cause : l'énergie (+62%) et les produits alimentaires (+ 17 %). Les coûts plus élevés de l'énergie continueront à peser en 2023. "Nous estimons que le coût de l'énergie augmentera de pas moins de 77% cette année par rapport à 2022, soit 169 millions d'euros", avance même Belfius. L'enveloppe de 80 millions prévue par le Fédéral pour compenser cette hausse de coût au premier semestre 2023 n'adoucit que partiellement la douleur. "En 2023, la hausse des coûts de l'énergie représentera 1% du CA, soit 253 millions d'euros. Cela absorbe le résultat courant obtenu jusqu'à présent par les hôpitaux", détaille Arnaud Dessoy.
D'autant que les frais liés au personnel ont eux aussi connu une hausse historique de 14,5% en 2022. L'indexation des salaires (7,9%) est passée par là, au même titre que les mesures prévues pour améliorer l'attractivité des métiers de la santé (4,6%). Enfin, le volume d'ETP a augmenté et représente 2% de la hausse. 2023 connaîtra aussi une augmentation des frais de personnel, à hauteur de 9,4% estiment les analystes.
84% des hôpitaux en situation précaire
Sur les 86 hôpitaux généraux, 49 enregistrent une perte. Parmi ceux qui affichent encore un bénéfice, 24 arrivent seulement à un résultat d'exploitation ordinaire de moins de 1% du chiffre d'affaires. " Un résultat que nous ne considérons pas comme durable ", spécifient les analystes de Belfius. 84% des hôpitaux se trouvent dès lors dans une situation précaire. Les mauvais résultats concernent toutes les régions.
Malheureusement, 2023 n'augure pas de meilleures perspectives. Belfius s'attend à ce que le résultat d'exploitation ordinaire plonge à nouveau dans le rouge (-0,73% du CA en 2023, contre -0,96% en 2022).
Le résultat de l'exercice 2022 est positif, mais de justesse (+37 millions d'euros). Un bénéfice évidemment maigre à l'échelle de 86 hôpitaux et sur un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros.
L'évolution du cash-flow (la liquidité, NdlR) n'est pas favorable non plus. Ce qui veut dire que la marge disponible pour financer les propres investissements se rétrécit, ainsi que les possibilités pour contracter de nouveaux prêts à long terme. Pour l'ensemble du secteur, la marge disponible ne s'élève qu'à 165 millions, ce qui représente à peu près un tiers de celle de 2021. 26 hôpitaux n'ont pas le cash-flow suffisant pour rembourser les dettes encourues sur l'année.
La solvabilité sous pression
C'est une première, alors qu'au cours de la dernière décennie, les hôpitaux généraux avaient réussi à redresser quelque peu leurs fonds propres. Encore une fois, aucune région n'y échappe. La Flandre a cependant une solvabilité au-delà de 20% (27,9%), ce qui n'est pas le cas en Wallonie (18,8%) et à Bruxelles (17,6%). "C'est une donnée importante pour les banques. C'est un matelas qui sert à absorber les chocs. Si ce matelas diminue, on devient moins résilient", détaille Arnaud Dessoy.
Le recul de la liquidité et de la solvabilité constitue un signal alarmant pour les hôpitaux. Cela se traduit par un fléchissement dans les investissements dans l'infrastructure (terrains et immeubles). En 2018, 1,4 milliard d'euros brut étaient investis dans les infrastructures à l'échelle du pays. En 2022, seulement 1,2 milliard, sur un seul grand projet. Cela est dû à la hausse des coûts de la construction et aux taux d'intérêts plus élevés. Heureusement, les investissements bruts en équipement médical se sont accrus de 3,5% pour atteindre 320,2 millions d'euros.
Reste, enfin, l'endettement des hôpitaux généraux. Il continue à augmenter et représente 32% du bilan. L'augmentation est frappante surtout en Wallonie (38,3% du total du bilan) et à Bruxelles (41,1%). La Flandre, qui connaît actuellement un ralentissement de la vague d'investissements dans la rénovation de ses hôpitaux, voit l'endettement de ses hôpitaux diminuer quelque peu pour atteindre 26,1% du total du bilan. "Les cycles d'investissement expliquent cette tendance, d'autant plus que la matière a été régionalisée. Mais cela n'explique pas le chiffre global", détaille l'analyste de Belfius.
"La structure bilantaire (et notamment la solvabilité) reste globalement solide, mais pourrait se fragiliser si les résultats restent déficitaires au cours de ces prochaines années", concluent les analystes de Belfius"Les chiffres agrégés pour l'ensemble du secteur masquent, de plus, de grandes disparités entre hôpitaux."
Commençons par la "bonne" nouvelle : le chiffre d'affaires (CA) des hôpitaux a augmenté en 2022. Cela grâce à l'augmentation du Budget des moyens financiers (BMF) de 10,4% et la hausse des revenus pharmaceutiques (+ 8,9%). L'augmentation du BMF s'explique par l'indexation et différentes mesures prises par le Fédéral pour améliorer l'attractivité des métiers de la santé (le Fonds Blouses blanches par exemple). Le CA a également été gonflé par les honoraires des médecins, même s'ils n'ont progressé que de 1,6% en 2022, la faute à une activité hospitalière qui n'a pas retrouvé son lustre d'avant covid et, surtout, à une indexation décalée d'un an. En 2023, les honoraires des médecins devraient s'accroître de 7,9% selon les prévisions. "Le BMF, les revenus pharmaceutiques et les honoraires constituent les trois piliers constitutifs du CA", détaille Arnaud Dessoy, Senior analyst Social & Public Finance pour Belfius. "On constate tout de suite que l'augmentation des honoraires est très limitée. Avec une activité médicale réduite par rapport à l'avant crise, on ne situe largement en dessous de l'inflation."Résultat : les coûts ont malheureusement davantage que le CA en 2022. Premiers en cause : l'énergie (+62%) et les produits alimentaires (+ 17 %). Les coûts plus élevés de l'énergie continueront à peser en 2023. "Nous estimons que le coût de l'énergie augmentera de pas moins de 77% cette année par rapport à 2022, soit 169 millions d'euros", avance même Belfius. L'enveloppe de 80 millions prévue par le Fédéral pour compenser cette hausse de coût au premier semestre 2023 n'adoucit que partiellement la douleur. "En 2023, la hausse des coûts de l'énergie représentera 1% du CA, soit 253 millions d'euros. Cela absorbe le résultat courant obtenu jusqu'à présent par les hôpitaux", détaille Arnaud Dessoy.D'autant que les frais liés au personnel ont eux aussi connu une hausse historique de 14,5% en 2022. L'indexation des salaires (7,9%) est passée par là, au même titre que les mesures prévues pour améliorer l'attractivité des métiers de la santé (4,6%). Enfin, le volume d'ETP a augmenté et représente 2% de la hausse. 2023 connaîtra aussi une augmentation des frais de personnel, à hauteur de 9,4% estiment les analystes.Sur les 86 hôpitaux généraux, 49 enregistrent une perte. Parmi ceux qui affichent encore un bénéfice, 24 arrivent seulement à un résultat d'exploitation ordinaire de moins de 1% du chiffre d'affaires. " Un résultat que nous ne considérons pas comme durable ", spécifient les analystes de Belfius. 84% des hôpitaux se trouvent dès lors dans une situation précaire. Les mauvais résultats concernent toutes les régions.Malheureusement, 2023 n'augure pas de meilleures perspectives. Belfius s'attend à ce que le résultat d'exploitation ordinaire plonge à nouveau dans le rouge (-0,73% du CA en 2023, contre -0,96% en 2022).Le résultat de l'exercice 2022 est positif, mais de justesse (+37 millions d'euros). Un bénéfice évidemment maigre à l'échelle de 86 hôpitaux et sur un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros.L'évolution du cash-flow (la liquidité, NdlR) n'est pas favorable non plus. Ce qui veut dire que la marge disponible pour financer les propres investissements se rétrécit, ainsi que les possibilités pour contracter de nouveaux prêts à long terme. Pour l'ensemble du secteur, la marge disponible ne s'élève qu'à 165 millions, ce qui représente à peu près un tiers de celle de 2021. 26 hôpitaux n'ont pas le cash-flow suffisant pour rembourser les dettes encourues sur l'année. C'est une première, alors qu'au cours de la dernière décennie, les hôpitaux généraux avaient réussi à redresser quelque peu leurs fonds propres. Encore une fois, aucune région n'y échappe. La Flandre a cependant une solvabilité au-delà de 20% (27,9%), ce qui n'est pas le cas en Wallonie (18,8%) et à Bruxelles (17,6%). "C'est une donnée importante pour les banques. C'est un matelas qui sert à absorber les chocs. Si ce matelas diminue, on devient moins résilient", détaille Arnaud Dessoy.Le recul de la liquidité et de la solvabilité constitue un signal alarmant pour les hôpitaux. Cela se traduit par un fléchissement dans les investissements dans l'infrastructure (terrains et immeubles). En 2018, 1,4 milliard d'euros brut étaient investis dans les infrastructures à l'échelle du pays. En 2022, seulement 1,2 milliard, sur un seul grand projet. Cela est dû à la hausse des coûts de la construction et aux taux d'intérêts plus élevés. Heureusement, les investissements bruts en équipement médical se sont accrus de 3,5% pour atteindre 320,2 millions d'euros. Reste, enfin, l'endettement des hôpitaux généraux. Il continue à augmenter et représente 32% du bilan. L'augmentation est frappante surtout en Wallonie (38,3% du total du bilan) et à Bruxelles (41,1%). La Flandre, qui connaît actuellement un ralentissement de la vague d'investissements dans la rénovation de ses hôpitaux, voit l'endettement de ses hôpitaux diminuer quelque peu pour atteindre 26,1% du total du bilan. "Les cycles d'investissement expliquent cette tendance, d'autant plus que la matière a été régionalisée. Mais cela n'explique pas le chiffre global", détaille l'analyste de Belfius."La structure bilantaire (et notamment la solvabilité) reste globalement solide, mais pourrait se fragiliser si les résultats restent déficitaires au cours de ces prochaines années", concluent les analystes de Belfius"Les chiffres agrégés pour l'ensemble du secteur masquent, de plus, de grandes disparités entre hôpitaux."